vendredi 19 avril 2024

Mousse au chocolat : ancien. Chocolat Chantilly : nouveau !

 
De nombreuses personnes m'interrogent sur la "mousse au chocolat", sans doute parce que mon nom est associé à une invention que j'avais faite en 1995, à savoir le "chocolat chantilly", lequel n'est pas une mousse "au" chocolat, mais une mousse "de" chocolat. 

Expliquons... en utilisant un système utile : le "formalisme des systèmes dispersés", ou DSF (l'acronyme de "disperse systems formalism"). Pour cette description, c'est tout simple : il considérer que les matières sont faites de gaz (G), de liquides (L), de solides (S), et que les phases sont organisées les unes par rapport aux autres. Par exemple, une mousse de savon, ou un blanc d'oeuf battu en neige) est faite de bulles de gaz (l'air, G) dispersées dans un liquide (l'eau savonneuse, le blanc d'oeuf). Pour décrire une dispersion "aléatoire" (au hasard) des bulles, on utilise un symbole qui est "/". Ajoutons, aussi, que les liquides peuvent être des solutions aqueuses (jus de fruit, bouillon, thé, café, vin...), ce que l'on note W (pour water, en anglais), ou des matières grasses liquides (huile, chocolat fondu, fromage fondu...). 

Pour décrire une mousse de blanc en neige, on notera donc G/W. # De même, un gel de gélatine est fait d'un liquide (une solution aqueuse) dispersées dans un réseau solide : leas protéines de la gélatine forment une sorte d'architecture qui inclut l'eau. Toutefois, ici, l'eau n'est pas sous la forme de gouttes isolées, mais forme une phase liquide, interpénétrée avec le réseau solide, d'où l'usage d'un autre symbole : x. 

 

Tout d'abord, la mousse au chocolat classique

Ayant vu un début de formalisme, revenons à la mousse au chocolat, et, tout d'abord, à une recette classique. Pour faire une mousse au chocolat, on commence par fondre du chocolat... lequel est principalement fait de cristaux de sucre (très petits, solides) dispersés dans une matière grasse, liquide quand le chocolat est fondu. Eventuellement (mais ce n'est pas obligatoire), on ajoute du beurre ou du jaune d'oeuf, mais cela ne change pas grand chose : le chocolat fondu est décrit par S/O, où S représente les cristaux de sucre, et O la matière grasse liquide. Puis, à part, on bat des blancs d'oeufs en neige, et l'on fait donc une mousse : G/W. Ayant ces deux matières, on ajoute le chocolat fondu à la mousse, et l'on obtient donc une mousse "au" chocolat. 

 

Ensuite, le chocolat chantilly

Tout le monde faisait ainsi des mousses au chocolat, jusqu'à ce que, en 1995, j'invente le "chocolat chantilly". De quoi s'agit-il ? En 1995, donc, j'ai analysé la fabrication de la crème fouettée, laquelle est obtenue par foisonnement (on bat) de la crème (on verra qu'il n'y a pas de crème dans le chocolat chantilly) . La crème est obtenue à partir du lait, lequel est une "émulsion", parce que des gouttelettes de matière grasse sont dispersées dans de l'eau ; la formule est donc O/W. 

Quand on laisse le lait reposer, les gouttes de matière grasse viennent flotter en surface, ce qui fait la crème, et la crème est donc une émulsion concentrée : encore O/W. Puis, si l'on bat, on introduit des bulles d'air, de sorte que l'on obtient (G+O)/W. Mais, comme on fait cela à froid, une partie de la graisse fige, et forme un réseau qui stabilise la crème fouettée. 

Terminons en signalant que la différence entre crème fouettée et crème chantilly tient seulement à la présence de sucre dans la crème chantilly : le sucre se dissout dans l'eau de l'émulsion. 

Mon idée a été de généraliser le procédé : d'une émulsion, on passe à une émulsion foisonnée qui est "figée" par le froid. Comment cela fonctionne-t-il ? Partons d'une casserole, où nous mettons 200 g d'eau : W. Puis déposons dans la casserole un morceau de chocolat (250 grammes), puis chauffons : le chocolat fond, et libère les cristaux de sucre, qui viennent se dissoudre dans l'eau, tandis que la matière grasse vient s' "émulsionner" : des gouttes de matière grasse se dispersent dans l'eau sucrée. Si l'on fouette, on voit que le fouet pousse des bulles d'air dans l'émulsion, de sorte que l'on obtient le système (G+O)/W... mais on voit bien que les bulles d'air remontent à la surface, ne sont pas bien piégées dans l'émulsion. En revanche, si l'on pose la casserole sur des glaçons, la matière grasse liquide solidifie, cristallise, et les bulles sont piégées... et l'on obtient une mousse "de" chocolat : c'est cela, le chocolat chantilly ! 

Bref, il n'est pas nécessaire d'oeuf pour faire une mousse chocolatée (je n'utilise ni "de", ni "au"). C'est même un gâchis, du point de de l'économie familiale. Et puis, si l'on est gourmand, pensons que l'eau utilisée peut être thé, infusion de menthe, jus d'orange, vin... <strong>Et une question</strong> Tout cela étant posé, venons en finalement à une question reçue ce matin d'une élève de Première S, qui fait un "travail personnel encadré" (TPE) : # Bonjour Monsieur, je me permets de vous contacter pour des questions à propos de la mousse au chocolat pour notre tpe. Est ce que vous pourriez m'indiquer où se passe l'émulsion dans la mousse au chocolat, à quel moment ? Auriez vous une explication scientifique à me donner quand le chocolat fond au bain marie, ce qui se passe au niveau moléculaire par exemple. Que se passe-t-il quand nous mélangeons le chocolat avec les blancs en neige ? Je détaille chaque étape de la mousse au chocolat au niveau moléculaire mais je bloque. Je suppose que notre jeune amie s'intéressait plutôt au chocolat chantilly plutôt qu' à la mousse au chocolat. A quel moment se fait l'émulsion ? Je l'ai indiqué : quand le chocolat fond dans l'eau. Que se passe-t-il au niveau moléculaire quand on fond du chocolat, au bain-marie ? Dans le chocolat, la matière grasse est sous la forme de cristaux, avec les molécules empilées régulièrement les unes sur les autres. Les molécules ? Ce sont majoritairement des "triglycérides", des molécules analogues à des "peignes à trois dents". Le manche du peigne, c'est trois atomes de carbone ; les dents sont des "résidus d'acides gras" (et non pas des acides gras), avec principalement des atomes de carbone attachés en une chaine, avec des atomes d'hydrogène liés aux atomes de carbone. La chaleur, c'est de l'agitation des molécules : les molécules qui étaient tranquillement empilées se détachent, et vont flotter dans le liquide, sans rester associées. Que se passe-t-il quand on mélange du chocolat fondu avec des blancs en neige ? Cette fois, notre jeune amie ne discute plus le chocolat chantilly, mais la mousse au chocolat. D'un côté, une graisse liquide (comme l'huile) et, d'autre part, une mousse. En pratique, la mousse vient dans la matière grasse liquide, et l'on a des "blocs" de mousse dans la graisse liquide. Au refroidissement, la matière grasse du chocolat recristallise... et les blocs de mousse sont piégés.

jeudi 18 avril 2024

Vulgarisation et enseignement

 
Je me demande finalement si la vulgarisation ne nuit pas un peu à l'enseignement. La question est ancienne de savoir quelle est la différence entre la vulgarisation scientifique et l'enseignement des sciences. 

Pour la vulgarisation, une règle communément admise (mais que je propose de questionner ici) est d'éviter les équations, au point même que le physicien britannique Stephen Hawkings, dans l'introduction d'un livre de vulgarisation qui date d'il y a quelques années, raconte que son éditeur lui avait recommandé d'éviter les équations sous peine de perdre tous ses lecteurs. 

On sait, d'autre part, combien les scientifiques tels que Richard Feynman ou Pierre-Gilles de Gennes ont promu ce que l'on a nommé la physique avec les mains, c'est-à-dire un discours de vulgarisation qui évite complètement les équations et donne l'idée des phénomènes, leur compréhension. Leurs interlocuteurs comprennent alors, certes, les mécanismes des phénomènes, mais, je ne sais pourquoi, j'étais gêné quand je trouvais dans des devoirs d'étudiants des discours analogues, tout faits de mots. 

A la réflexion je comprends que ces discours sont des discours, et que leur validité n'est jamais assurée. Je veux dire par là que l'on peut me dire tout et son contraire, sans que je sois en mesure de savoir sir le discours proposé est juste. Pour être fixé, il n'existe qu'un seul recours, à savoir les équations, le formalisme, le calcul, ce qui est, d'ailleurs, la "marque de fabrique" des sciences de la nature. 

Et voilà pourquoi je commence à me demander si l'on ne devrait pas éviter, dans l'enseignement scientifique, ce type de descriptions, de procédés, pour revenir de façon bien plus certaine au maniement des équations. Certes nos étudiants en sciences des aliments ne seront pas plus ignorants à chaque nouvelle connaissance générale qu'ils auront. Par exemple, ce sera bien s'ils savent que le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines, mais cela sera bien mieux s'ils savent qu'il existe des protéines de deux sortes au moins, globulaires ou fibrillaires, et s'ils connaissent la constitution chimique de ces dernières, les distances de liaison, leurs énergies, non pas pour faire une collection de papillons, mais plutôt pour être capables d'envisager des réactivités. 

La prétendue réaction de Maillard est un exemple éclairant, car nombre de personnes évoquent cette réaction, en mélangeant tout. Dès qu'un aliment brunit quand il est chauffé, on invoque la réaction de Maillard, et le tour est joué. Ce vernis n'est ni une connaissance, ni une compétence. De même pour la partie physique de l'affaire, par exemple quand, à propos de systèmes colloïdaux, telles les glaces, on met un nom tel "maturation d'Ostwald" sur le phénomène, et hop, à nouveau, le tour est joué : les cristaux de glace grossissent. En réalité, la seule vraie question, c'est "combien ?". Oui une maturation d'Ostwald peut faire grossir des cristaux de glace, mais de combien ? A quelle vitesse ? Et là, la connaissance du nom du phénomène ne suffit pas : il faut savoir manipuler les équations, savoir calculer... de sorte que c'est cela qu'il nous faut donner à nos étudiants. 

Si l'on distingue maintenant la science des aliments et la technologie des aliments, cela revient à faire une différence entre la production de connaissances scientifiques et leur utilisation. Les ingénieurs n'ont pas besoin d'être capables de produire des connaissances, mais ils ont besoin de savoir les utiliser et, de ce point de vue, on comprend que c'est l'utilisation des équations qui s'impose. A la limite, le maniement des équations est la seule chose qui compte, et ils n'auront pas besoin de savoir comment ces équations ont été établies. Pour autant, bien sûr, ils ne deviendraient pas plus bêtes à le savoir, à l'avoir vu une fois. 

Il en va de même pour la chimie et, là, si l'on reprend le cas des réactions fautivement dite de Maillard (il faut dire "amino-carbonyle"), on peut s'interroger sur ce que serait ce maniement. Le versant scientifique de l'affaire serait certainement, d'un côté la compréhension des mécanismes détaillés, avec ses modulations, c'est-à-dire savoir comment les réactions amino-carbonyle changent selon la nature des composés particuliers mis en œuvre, et, d'autre part, l'utilisation consiste à connaître ce fait que des sucres réducteurs et des acides aminés peuvent réagir pour former des composés d'Amadori ou de Heyns, lesquels se modifieront ensuite par une foule de réactions qui ne sont plus des réactions amino-carbonyle, mais des dégradations de Strecker, des hydrolyses, des condensation, etc. 

 

Revenons à notre question de la vulgarisation. Quel est l'objectif ? Produire un discours ? Ce serait bien limité. Combattre la pensée magique ? Là, l'enjeu est absolument merveilleux, et c'était en tout cas l'engagement qui était le mien quand je travaillais à la revue Pour la science. Au lieu de dire "la fusée à décollé", l'objectif était de rendre nos amis lecteurs capables de faire décoller la fusée, en expliquant bien le principe du moteur. 

Mieux, un des plus beaux articles produits par la revue fut signé par Kenneth Wilson, prix Nobel de physique, qui avait expliqué la théorie de la renormalisation : il n'y avait pas d'équation, dans ce texte, mais les équations étaient dites avec des mots, et, dans ce cas particulier, on aurait pu en traduire les mots de l'article en équations que l'on aurait ensuite été en mesure de juger du point de vue du calcul. C'était une vulgarisation d'excellente qualité, bien qu'un peu difficile pour un public non averti, non pas en raison d'une difficulté intrinsèque, mais surtout parce que l'article était très long : il avait fallu une vingtaine de pages de journal imprimé pour arriver à débobiner la totalité de l'explication. Mais quel bonheur ! 

Finalement la différence entre vulgarisation et enseignement scientifiques ou technologiques paraît claire : dans un cas, on lutte contre la pensée magique, et l'on donne des clés pour montrer que le monde n'est pas fait de lutins, fées, diables, etc. Dans l'autre, il faut soit communiquer des connaissances mobilisables dans une usine par un ingénieur, soit mettre sur la piste de la recherche scientifique, laquelle est du maniement d'équations, et non pas de discours vaguement poétique. 

Et ici j'utilise le mot "poésie" à bon escient, car, je crois qu'une partie de la vulgarisation est de cette nature, à savoir qu'il y a des sons, des évocations, des couleurs, qui sont transmises par une certaine vulgarisation. Une sorte de ronronnement rassurant qui s'apparente à la poésie, puisque l'on est dans l'ordre de l'émotion. Certes c'est ainsi que l'on vend des livres, mais ce n'est pas ainsi que l'on fait tourner une usine ou que l'on produit des connaissances nouvelles. 

Finalement, sur les copies d'étudiants en sciences des aliments ou en technologies des aliments, je ne demande qu'une chose : des équations. Pour les ingénieurs, il faudra savoir s'en servir. Pour les scientifiques, il faudra savoir comment les produire. Voilà les compétences exigibles dans nos enseignements de science et technologie des aliments, je crois. Qu'en pensez-vous ?

mercredi 17 avril 2024

Eloge de la technique... faite avec la tête


Certains croient que la technique est une activité mécanique, où l'être humain pourrait être remplacé par une machine, un robot... Les idées de ce genre méritent d'être réfutées, et notamment en considérant qu'il y a souvent une composante artistique et une composante sociale dans l'acte technique. 

Pour la cuisine, le soin, par exemple, est essentiel, parce que c'est une façon de se préoccuper du bonheur de ceux que l'on nourrit. En outre, le technicien culinaire qui ne se préoccuperait pas de faire bon serait vite ramené dans le droit chemin, ce qui prouve, à nouveau, que la question technique est merveilleuse : vive la technique intelligente ! 

Ce matin, je reçois une question, par des élèves en classe de Première S, qui me fournit un merveilleux exemple à l'appui de la thèse précédente. Voici :  

Au cours de nos expériences où nous utilisons seulement les matières premières ( oeuf, sucre et huile), nous avons remarqué que la sphérification avec l'oeuf et l'huile n'était pas possible. Nous avons utilisé la sphérification basique, inversée et aussi avec l'agar agar. Nous voudrions savoir si c'est un problème de technique ou de dosage, ou si effectivement c'est impossible avec ces matières ? Alors la sphérification ne serait pas possible avec toutes sortes d'aliments ?

 

Analysons tout d'abord en reprenant les termes de la question

 

Nos jeunes amis ont voulu faire des objets avec un coeur liquide et une peau gélifiée, en mettant au coeur du système soit de l'oeuf, soit du sucre, soit de l'huile (leur message n'est pas clair), soit un mélange des trois. L'oeuf est un liquide, de sorte qu'il faut interpréter : ils ont voulu faire soit du blanc d'oeuf, dans une peau gélifiée, soit du jaune dans une peau gélifiée, soit un mélange des deux. 

Pour le sucre, je suppose que ce n'est pas du sucre qu'ils ont voulu inclure, car le sucre n'est pas liquide. Pour l'huile, je comprends la question. 

Puis nos amis nous disent que la sphérification d'oeuf ou d'huile n'est pas possible. Là, ils vont trop loin : ils auraient dû seulement dire qu'ils n'ont pas réussi ! 

Ils parlent de "sphérification basique et inversée", mais ils font sans doute état de la méthode directe et de la méthode inverse. Dans la méthode directe, on met du calcium dans un bain d'eau, et l'on fait tomber dans ce bain des gouttes d'une solution qui dissout de l'alginate de sodium. Dans la méthode inverse, on dissout l'alginate de sodium dans de l'eau (qui ne doit pas contenir de calcium, sans quoi la gélification se fait avant qu'on ait pu faire la manipulation), puis on y dépose un liquide qui contient du calcium. 

Avec l'agar-agar, rien de tout cela n'est possible, sauf par des méthodes différentes, telles celles que j'avais introduites il y a longtemps (voir http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve/travaux_precedents/55). 

Enfin, il y a cette question : la sphérification serait-elle impossible avec toutes sortes d'aliments ? Pour laquelle je propose de répondre que, avec une voiture dont la vitesse maximale est de 150 kilomètres à l'heure, il n'est pas possible de faire du 200 ! 

 

Puis analysons plus avant. 

 

Soit du blanc d'oeuf (auquel on aura donné du goût, sans quoi c'est peu intéressant), que l'on veut mettre dans une couche gélifiée. Ne suffit-il pas de faire un oeuf poché ? On a bien un coeur liquide dans une peau gélifiée, puisque c'est cela que fait l'oeuf qui cuit : un gel. 

OK, nos amis voudraient une peau transparente. Alors la méthode inverse fonctionne très bien : en mettant du calcium dans le blanc, et en le faisant tomber dans une solution d'alginate, on obtient ce qu'ils souhaitent... Ce qui m'alertent, d'ailleurs, c'est la brièveté de leur description : j'ai souvent vu des personnes s'étonner de ne pas obtenir la gélification de l'alginate... alors qu'ils n'utilisaient pas d'alginate, ou pas de calcium. Il faut les deux ! 

Soit maintenant du jaune, que l'on veut mettre en sphères liquide : là encore, tout va bien par la méthode inverse... ou en déposant un jaune d'oeuf quelques secondes dans de l'azote liquide : une coque gélifiée se forme, avec le jaune liquide au centre. Pour le sucre, on a vu plus haut que l'on ne peut pas obtenir un liquide avec un solide... sauf bien sur si l'on dissout le sucre dans l'eau, pour faire un sirop. Et là, rien de plus facile que de faire des perles de sirop, qui remplacement avantageusement le sucre que l'on met dans le café. La méthode directe fonctionne très bien, tout comme la méthode inverse, d'ailleurs. 

Avec l'huile, enfin ? On se souvient que, si l'on emploi de l'alginate de sodium et des ions calcium (souvent sous forme de lactate de calcium ou de chlorure de calcium), il faut dissoudre un des deux partenaires dans le produit que l'on veut mettre en perles à coeur liquide, et l'autre partenaire dans le bain où on dépose le premier liquide. Et là, il y a effectivement un problème... car les ions calcium ne sont pas solubles dans l'huile, ni l'alginate de sodium. 

Pour autant, il y a de nombreuses façons de faire, comme je l'ai indiqué dans ma rubrique "Science &amp; gastronomie" de la revue Pour la Science (http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-de-l-huile-en-perles-31124.php).

samedi 13 avril 2024

Comment faire une découverte scientifique ?

 Comment faire une découverte scientifique ? Si je savais ! 


Je parlerais volontiers d'épistémologie, mais je sais que le mot fait peur : beaucoup d'amis que je rencontre se ferment comme des huîtres à l'évocation de ce mot, craignant une certaine philosophie de petit marquis, où le sens des mots n'est pas fixé, de sorte que les discours sont soit tautologiques, soit pas réfutables. Et puis, il a plus de trois syllabes, de sorte que l'on peut craindre des complexités théoriques inutiles. Certes la discipline est pratiquée par des individus qui sont pas toujours d'une clarté absolue, à l'aune des critères scientifiques (je parle des sciences de la nature, bien sûr). Certes la discipline est encombrée par quelques uns qui croient que les sciences ne sont qu'une activité sociale, en rien différente des religions… mais c'est là de l'idéologie et cela ne concerne pas l'activité réelle qui est désignée par ce mot : "épistémologie" vient d'épistémé, savoir, et de logos étude. L'épistémologie, donc, c'est l'étude du savoir et, en pratique, l'étude des sciences. Il y a, comme dans tout champ, des épistémologistes remarquables, et l'on ne saurait manquer d'évoquer Jean Largeault, décédé il y a quelques années, ou encore, avant lui, Emile Meyerson... ou Henri Poincaré, dont La science et l'hypothèse devrait être la lecture de tout jeune scientifique ! 

 

Epistémologie, philosophie des sciences... mais lesquelles ? 

Le mot "sciences" est plus court qu'épistémologie, mais -je me répète un peu par rapport à d'autres billets- il n'est pas moins ambigu, car il confond les sciences de la nature et les sciences de l'être humain et de la société, deux activités qui n'ont le plus souvent rien à voir, non pas que j'accuse nos amis géographes ou historiens de faire du mauvais travail, mais seulement que la base de ces sciences n'est pas l'acte de foi selon lequel le monde est écrit en langage mathématique. 

Autre ambiguïté que j'ai discuté ailleurs abondamment : la confusion des sciences de la nature et de la technologie, c'est-à-dire leur application, alors que, là encore, les deux activités sont bien différentes. 

Bref laissons de côté le mot "épistémologie" et gardons le mot "sciences" pour son acception réduite à "sciences de la nature", et posons cette question extraordinairement pratique, qui est celle que tous les scientifique des sciences de la nature doivent se poser (ou peuvent se poser, puisque je n'ai pas à juger de ce que les autres doivent faire) : comment faire une découverte ? Il me semble que, pour atteindre un objectif, il vaille mieux avoir une méthode raisonnable de l'atteindre, un chemin (methodon, en grec), et l'on voit mal pourquoi la découverte scientifique s'échapperait à la règle. Mais là encore, je peux me tromper, et c'est la raison pour laquelle je propose à mes collègues de répondre à ce billet afin que leur réponse soit publiée à côté du débat. 

 

Comment donc faire une découverte ? 

 Il est remarquable d'observer que les Grands Anciens, les Lavoisier, Faraday, Einstein, Galilée..., ne sont pas des individus d'une seule découverte, mais de plusieurs, ce qui corrobore mon hypothèse qu'ils auraient eu une méthode permettant la découverte. Laquelle ? Bien sûr, on peut balayer la question d'un revers de main, en disant que seuls comptent le travail, l'activité et l'intelligence, mais si j'accepte l'idée du travail, le mot "intelligence" m'arrête, car il en existe des formes innombrables : celle du corps (les athlètes), celle du coeur, celle des équations, celle de la chimie, celle de l'expérimentation… Et puis, s'il y a une intelligence de la découverte scientifique, en quoi consiste-t-elle ? Soit donc la question : comment faire des découvertes ? J'ai posé cette question à de grands scientifiques contemporains, et je m'intérese depuis longtemps à l'histoire des sciences et à l'épistémologie, notamment parce que ces disciplines peuvent nous livrer des méthodes restées implicites. Je livre ici un résultat rapide de mes enquêtes. Tout d'abord, il y a une méthode qui consiste à mettre en oeuvre une saine compréhension du travail scientifique, lequel consiste en (1) identification d'un phénomène ; (2) quantification de ce phénomène ; (3) réunion des données quantitatives en lois synthétiques (des équations) ; (4) recherche de mécanismes quantitativement compatibles avec ces lois ; (5) recherche de prévisions expérimentales fondées sur les théories ainsi établies ; (6) test expérimental des prévisions. 

La recherche des mécanismes, par l'application de cette méthode est une façon de faire. Est-elle bonne ? En tout cas, elle est saine. D'autre part, dans la même veine, il y a ceux qui partent des théories, qu'ils cherchent à réfuter. On observera que c'est là se focaliser sur un autre aspect de la méthode scientifique. Autrement dit, on sait que les sciences de la nature produisent des théories insuffisantes que l'on cherche à réfuter afin de produire des théories meilleures. Ici, c'est l'écart à la théorie qui est important, et je nomme cela un symptôme. En pratique, imaginons que l'on ait fait des mesures et que l'on ait vu des régularités, telles que 1, 2, 4, 8, 16… , alors une irrégularité est intéressante, puisqu'elle nous met sur une piste nouvelle qui n'est pas dans la régularité. Il y a donc une méthode qui consiste à se focaliser sur ces symptômes, nos mauvaises descriptions théoriques. 

Troisièmement il existe des scientifiques pour qui le travail scientifique consiste à "résoudre un problème". Je n'ai pas très bien compris ce qu'ils entendent pas là, mais je pressens la question : il y aurai un problème à creuser, une incompréhension, par exemple, de sorte que cette méthode serait analogue à la première. Une quatrième méthode consiste à construire une sorte de "microscope" particulièrement puissant, et à observer le monde avec ce nouvel outil. Par "microscope", je ne désigne pas le classique microscope optique, mais tout nouveau moyen d'observation, par exemple aussi bien un synchrotron, qui délivrera des faisceaux avec lesquels on sondera la matière, qu'un microscope à force atomique, ou même des appareils de spectroscopie qui, révélant les signatures de phénomènes ou objets, nous mettront sur la piste de ces phénomènes ou objets. Bref, si nous avons un moyen d'observation que nos prédécesseurs n'avaient pas, alors nous pourrons observer des phénomènes ou objets qui n'avaient pas été vus, et c'est bien là ce qui se nomme "découverte" : ce qui était couvert est découvert. 

Enfin il y a cette méthode qui tient dans une phrase : "tout fait expérimental, tout résultat de calcul sont des cas particuliers de théories générales que nous devons inventer". Cette fois, il semble que l'activité proposée soit différente, puisqu'elle relèverait de l'invention et non de la découverte, mais je crois en réalité que la construction théorique est bien de cette nature. Il s'agit de construction ; non pas une construction au hasard, non pas une construction poétique, mais une construction extraordinairement encadrée par de nombreuses mesures expérimentales des phénomènes, de nombreuses caractérisations quantitatives, et par les équations qui ont réuni ces données en lois synthétiques. Nous avons fait des mesures pour explorer un phénomène, nous avons obtenu de très nombreuses données quantitatives, nous avons regroupé ces données en lois synthétiques et nous cherchons maintenant des explications mécanistiques de ces lois. Les mécanismes sont des phénomènes que l'on peut exprimer en termes d'équations, et les sciences de la nature se nourrissent de cela. 

Par exemple, quand fut établie la mécanique quantique, il y avait des phénomènes étranges pour des objets très petits, et les données quantitatives furent à l'origine de deux constructions théoriques qui semblaient initialement différentes, à savoir les matrices et les opérateurs. Je passe sur les détails historiques, mais j'observe surtout que, finalement, ces deux formalisme furent réconciliés, et ils devaient l'être, car ils correspondaient aux mêmes phénomènes et aux mêmes données quantitatives. Bref il y a cette nécessité d'élaborer un cadre théorique associé à des mécanismes, à des objets particuliers. Par exemple, l'électron : il fut d'abord vu comme une espèce de petite boule de billard ; puis on lui découvrit une nature ondulatoire, comme des rides de la surface de l'eau, et l'on découvrit finalement que les particules subatomiques -tels les électrons- ne sont ni des particules ni des ondes, mais des objets subatomiques qui, quand on les regarde d'une certaine façon apparaissent comme des ondes, et quand on les regarde d'une autre façon apparaissent comme des particules ; d'ailleurs, on peut les regarder d'une troisième façon elles apparaîtront alors d'une troisième façon. Surtout les électrons qui étaient des particules initialement supposées pour expliquer des phénomènes sont devenus une sorte de dossier de plus en plus le gros, parce que correspondant à des mesures de plus en plus nombreuses . On a caractérisé (quantitativement !) l' électron, ses interactions avec la matière, et notre connaissance s'est augmenté. Notre dossier a gonflé à mesure que nous découvrions les propriétés de l'électron. Ces découvertes se sont évidemment faites sur la base d'expériences, mais ces expériences ont conduit à des propositions théoriques, qui ont constitué la théorie actuelle, théorie que les sciences de la nature doivent continuer à réfuter, car on ne dira jamais assez que l'on ne peut pas démontrer des théories, puisque celles-ci sont insuffisantes ; on peut seulement chercher à les réfuter pour en trouver de meilleures, plus proches des résultats expérimentaux. Voilà ce que j'ai glané, et c'est assez clair, de sorte qu'il ne nous reste plus qu'à nous retrousser les manches soit pour mettre en œuvre les méthodes que je viens d'énoncer, soit pour en trouver d'autres, et les partager avec la communauté, car il est vrai que, au moins pour certains, le monde des sciences de la nature est un monde éblouissant, enthousiasmant, au point que nous voulons partager avec tous les bonheur de nos travaux. 

 

Comme on dit en alsacien, ans Bràtt, au travail !

vendredi 12 avril 2024

La recherche bibliographique

 
A propos de bonnes pratiques scientifique se pose immanquablement la question de la bibliographie, puisque c'est une des activités auxquelles se livrent les scientifiques. 

Je propose que nous nous étonnions de ce que, dans la description de l'activité scientifique qui commence par l'observation d'un phénomène et dont le cycle s'achève avec la réfutation des prévisions expérimentale fondée sur les théories (voir http://www.agroparistech.fr/Les-etapes-de-la-recherche-scientifique.html), il manque ce pan important de l'activité scientifique qu'est la recherche bibliographique. 

C'est d'autant plus étonnant que, dans les formations scientifiques et technologiques actuelles (et c'est un fait que le mot "science" est bien souvent détourné par la technologie, contre laquelle je n'ai rien, bien au contraire, mais qui ne se confond pas avec la science, quand même), le moindre étudiant est éduqué à commencer toujours son travail par une telle recherche. Doit-on considérer que, si l'étude bibliographique ne figure pas dans la description des étapes de la science, c'est que la description qui a été donnée est fautive ? 

Reprenons les étapes de la méthode scientifique les unes après les autres pour voir où l'étude bibliographique trouve sa place. Nous avons dit que le travail scientifique commence avec l'observation d'un phénomène. Ce qui n 'a pas été dit, c'est que nous voyons les phénomènes avec des yeux théoriques, si l'on peut dire. C'est parce que nous avons des théories, implicites ou explicites, que nous pouvons chercher à les tester, et l'on se reportera aux discussions énergiques d'il y a quelques décennies entre René Thom et Anatole Abragam, à l'Académie des sciences, par exemple, pour comprendre que les phénomènes ne sont pas toujours aussi évidents qu'on pourrait le penser.

 

 La bibliographie, dans les étapes scientifiques 

Oui la surrection d'une montagne est un phénomène évident, qui parle à tous, tout comme l'échauffement d'un conducteur traversé par des électrons, mais il y a des phénomène dont on ne s’aperçoit qu'en creux, en négatif. Par exemple, imaginons qu'on laisse tomber une bille dans un liquide peu visqueux, simple. Après quelques instant très brefs, la bille atteint une vitesse de croisière dont on peut calculer la relation avec la viscosité. Toutefois, si on laisse tomber la bille dans un liquide très visqueux, on verra que, en pratique, la relation préalablement trouvée entre vitesse et viscosité ne tient plus. Cela se comprend : le calcul fait usage de la force de Stokes, qui suppose un un écoulement laminaire, alors que est dans un liquide visqueux, cet écoulement est gêné par les parois du récipient où l'on fait l'expérience. 

On voit sur cet exemple que l'écoulement anormal est un phénomène, mais que ce phénomène dépend de connaissances a priori. Autrement dit les connaissances que nous avons (une "théorie", donc) interviennent déjà dans la première étape du travail scientifique, et c'est la raison pour laquelle la recherche bibliographique s'impose d'emblée. 

 

Il n'est pas interdit de reproduire un travail !

Ici, un commentaire, avant de passer à la suite. Parfois, il est dit que la recherche bibliographique doit éviter de refaire des travaux qui ont déjà était faits... et j'ai moi-même proposé cette idée dans des documents intitulés "Comment faire une recherche bibliographique", en stipulant que l'introduction des articles scientifiques devait comporter les étapes suivantes : - la question initialement posée - les résultats de la recherche bibliographique - la question mieux posés, à la lumière de cette recherche bibliographique - l'annonce de l'étude qui a été faite et qui est présentée dans l'article. 

Oui, la recherche bibliographique peut éviter de refaire des études qui ont été faites... mais, dans la mesure où nous ne nous limitons pas à des caractérisations, dans la mesure où nous réfutons des théories, nous pourrions très bien refaire des études qui ont déjà été faites, en y mettant une "intelligence" différente. 

C'est ainsi que, il y a plusieurs années, le mathématicien français Joseph Oesterlé a produit de belles mathématiques, en reprenant les Disquisitiones arithmeticae de Carl Friedrich Gauss, mais ce n'est là qu'un exemple, et l'histoire des sciences en montre mille ! 

Bref, mettons fin à cet oukase contre la reproduction des études expérimentales. Bien sûr, ce ne doit pas être une excuse pour ne pas faire une étude bibliographique soigneuse, mais n'évitons pas nécessairement de passer là où d'autres sont passés... afin d'y chercher autre chose, que nous avons en nous, en quelque sorte, que nous verrons avec d'autres yeux... 

 

Des études spécifiques, avec des objectifs différents 

Revenons donc à la méthode scientifique, et, plus précisément, passons maintenant à la deuxième étape : la caractérisation quantitative des phénomènes, avec la mise en oeuvre des systèmes expérimentaux, des outils d'analyse, de mesure, d'observation (quantitative, toujours quantitative !). Là encore, on perdrait souvent du temps à réinventer la poudre, à mettre au point des dispositifs expérimentaux, si l'on ignore qu'il en existe déjà, de sorte que l'étude bibliographique nous montre des possibilités... mais on voit que, enchâssant la bibliographie dans la méthode scientifique, nous lui assignons maintenant une place bien particulière, une fonction bien plus précise. 

Comme précédemment, à propos du choix de l'étude, nous pouvons être un esprit fort et penser que ce qui a été fait avant nous est nul et non avenu, mais pourquoi se priver de la possibilité de voir la paille dans l'oeil du voisin afin d'éviter de voir la poutre dans notre propre œil ? Là encore, on voit qu'une recherche bibliographique s'impose, mais ce n'est pas la même, et la présente discussion conduit à penser qu'il est peut-être bon de séparer les différentes étapes de la recherche bibliographique, avec l'hypothèse que les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

La troisième étape, de réunion des caractérisations quantitatives en lois synthétiques, nécessite-t-elle une étude bibliographique particulière ? Oui, mais la question posée lors de l'étude bibliographique est alors très spécifique, et l'on voit mal comment elle aurait pu avoir lieu d'emblée. C'est donc une possibilité d'observer que la recherche bibliographique doit se faire à toutes les étapes de la recherche scientifique, mais différemment. Ici, il s'agit d'apprendre à faire des "ajustements", à chercher des lois générales à partir de donnés. La quête porte sur des méthodes qui ont leur champ propre, avec des communautés différentes de celles qui ont produit les travaux considérés précédemment. Il faut beaucoup de "culture scientifique", pour bien faire, et l'on pressent que notre bibliographie devra comporter aussi bien des livres généraux que des documents techniques très particuliers. 

Passons à la quatrième étape, d'induction théorique. Cette fois, l'éloignement par rapport à ce qui est couramment nommé recherche bibliographique est encore plus important ! Jamais, d'ailleurs, je n'ai vu considérer ce point, alors que de merveilleux esprits, tel Henri Poincaré, ont bien discuté la question. Il est amusant d'observer que nous sommes ici dans le domaine des théories de la connaissance, de l'histoire des sciences, de l'épistémologie. Manifestement, cette étape est la plus difficile, et l'on comprend que les documents qui pourraient nous aider sont d'un type bien différents des articles scientifiques les plus courants. D'ailleurs, il s'agit de méthodologie, de sorte que nous y gagnerions collectivement à regrouper ces textes, et à les faire étudier aux futurs scientifiques, ou, au moins, à les mettre à leur disposition, dans un lieu particulier (d'internet).

 La cinquième étape, de recherche de conséquences testables des théories ? Là encore, nous avons besoin de méthodologie, et, sans vouloir me débarrasser de la question, je crois que nous avons le même type de réponse que pour la quatrième étape. Mais, évidemment, les documents qui pourraient nous aider peuvent être différents.

 Puis la sixième étape, de tests expérimentaux des conséquences théoriques ? Je propose qu'il en aille comme pour les quatrième et cinquième étape.

 

 Finalement cet examen semble montrer (je suis prudent, et j'attends les retours des collègues) que des études bibliographiques s'imposent à chaque moment du travail scientifique, mais avec des spécificités qui dépendent de ces divers moments. La recherche bibliographique ne semble pas pouvoir être faite d'une traite, en début d'étude, mais, au contraire, elle s'étage spécifiquement, avec des types de documents différents. Les données factuelles doivent être distinguées des méthodes, des techniques, et, comme les petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses, on a sans doute raison de ne pas se lancer dans une étude bibliographique qui durerait des semaines, sauf à bien vouloir connaître un champ que l'on décide d'aller explorer. Surtout, finalement, on voit que mettre la recherche bibliographique en préalable est une mauvaise méthode. Il vaut bien mieux mettre en premier la méthode scientifique, et insérer des études bibliographiques à l'appui de cette méthode !

jeudi 11 avril 2024

Les étapes de la recherche scientifique


Rédigeant un billet, et voulant renvoyer mes amis vers une description de la méthode scientifique (pour les sciences de la nature, ou sciences quantitatives), je m'aperçois que cette description figure dans mon livre "{Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?}" (éditions Quae/Belin), mais qu'elle ne figure pas dans ce blog. 

 


Il faut absolument réparer cela. A noter que la description que je donne a été testée devant les assemblées scientifiques les plus élevées, et notamment devant plusieurs lauréats du prix Nobel, ainsi que devant des sommités des sciences chimiques, en de très nombreuses occasions, et tout particulièrement, le 4 juillet 2015, à Strasbourg (voir [http://www.canalc2.tv/video/1347-&gt;http://www.canalc2.tv/video/1347]2). 

Comme personne ne m'a fait observer que j'étais dans l'erreur, je continue de propager ma vision des choses (fondées, quand même, sur un examen soigneux de l'histoire des sciences et de l'épistémologie). Je propose donc de considérer que la recherche scientifique se fait par les étapes suivantes, lesquelles constituent la "méthode scientifique" (pour les sciences de la nature, ou sciences quantitatives) : 

1. identification d'un phénomène 

2. quantification du phénomène 

3. réunion des données quantitatives en "lois" synthétiques 

4. par un processus d'induction, recherche des mécanismes quantitativement compatibles avec les lois identifiées, ce qui constitue une "théorie", un "modèle" 

5. recherche de conséquences de la théorie 

6. tests expérimentaux de ces conséquences, ou "prévisions théoriques", en vue d'une réfutation, qui permettra de revenir à 1, et ainsi de suite à l'infini. 

 

On ne dira jamais assez que toute théorie scientifique est fausse (disons insuffisante), et que l'on ne peut donc pas "démontrer scientifiquement", mais seulement réfuter. Autrement dit, l'activité scientifique produit des connaissances en réfutant les théories qu'elle produit. On ne dira jamais assez, d'autre part, que les sciences de la nature ne sont pas un discours comme les autres : les théories, même si elles sont insuffisantes, comme on l'a vu plus haut, sont quantitativement compatibles avec les caractérisations quantitatives des phénomènes. Les lois sont, évidemment, des façons synthétiques de donner des faits le plus juste possible, compte tenu des moyens de mesure à un moment donné, et les mécanismes proposés ne le sont pas au hasard, mais parfaitement en accord avec les caractérisations quantitatives. Et c'est ainsi que les sciences de la nature sont particulières... et merveilleuses !

mercredi 10 avril 2024

L'habit ne fait pas le moine, en matière de cuisine

Alors que nous sommes tôt en saison, je me suis laissé aller acheter des fraises et des tomates :  les fraises étaient bien rouges et les tomates aussi... mais rien de tout cela n'avait de goût. 
Et cela me rappelle un débat que j'avais organisé à propos de ce que le monde de la cuisine nomme de "beaux produits" et que je préfère nommer de beaux ingrédients. 

De quoi s'agit-il ? La question est difficile, mais en tout cas, on comprend bien ce que, a contrario, sont de mauvaise ingrédients : les tomates et les fraises d'hier étaient si médiocres qu'on n'en fera jamais de la bonne cuisine. Ce n'est pas l'ajout de sucre qui paiera l'absence de l'ensemble des composés ayant une action organoleptique. 

Car dans le goût, il y a certes l'odeur anténasale, la couleur, la consistance, mais il y a également la saveur, l'odeur rétronasale, la texture, les sensations trigéminales, la perception du cacium, l'oléogustation...

Ajouter du sucre, c'est seulement... ajouter du sucre et, d'ailleurs, c'est oublier que les végétaux ne contiennent pas seulement du saccharose (le "sucre de table") mais également du D-glucose et du D-fructose, qui ont des saveurs distinctes.  De même pour les acides aminés, puissamment sapides. 

Pour pas pour faire de bonnes fraises, de bonnes tomates, il faut certainement de bonnes variétés végétales,  mais il faut aussi un bon sol, une bonne exposition soleil, un bon arrosage, et bien d'autres choses encore sans doute. Ce n'est pas en mégotant sur une lumière insuffisante que l'on obtiendra tout cela et n'ayant pas de composition relativement intéressante des fruits et des légumes produits, on ne fera rien avec eux. Et ce n'est pas  une sorte de maquillage qui pourra tromper ceux qui ont déjà mangé de beaux ingrédients