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dimanche 5 mars 2023

Des bonnes pratiques à propos de la sélection des phénomènes que nous étudions

 
La première étape du travail scientifique est l'identification d'un phénomène que l'on étudiera.

A ce propos, on comprend que l'exploration de certains phénomènes serait condamnable  et, a contrario, il y a une bonne pratique qui consiste à explorer des mécanismes de phénomènes dans des conditions d'expérimentation qui sont parfaitement éthiques.

Par exemple, l'expérimentation humaine ne peut se faire que dans des conditions extraordinairement cadrées, et certaines explorations ne peuvent pas se faire.

Par exemple, il serait condamnable de priver des patients d'un traitement que l'on sait efficace, lors d'une étude d'un nouveau médicament, et c'est la raison pour laquelle on compare le nouveau médicament au plus efficace connu.

Il y a évidemment lieu, bien avant de commencer un travail, à s'interroger sur les conséquences d'une étude, et c'est ainsi qu'en 1984, des biologistes du monde entier avaient signé un moratoire pour arrêter les études de biologie moléculaire le temps d'une réflexion éthique suffisante.

Aujourd'hui, il y a heureusement des comités d'éthiques dans les institutions de recherche de la plupart des pays, pour rappeler à tous que nous devons avoir des pratiques éthiques, au sens très large : tout aussi bien dans le respect des personnes et des autres organismes vivants, mais, aussi, en relation avec l'environnement.


vendredi 17 février 2023

Les questions éthiques pour un journal scientifique



Sur la page d'entrée des Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, journal scientifique, technologique et technique, en ligne, au modèle diamant, nous venons d'introduire un fichier qui décrit les la façon dont nous considérons les questions éthiques pour cette publication.

Il s'agit en quelque sorte d'être clair avec notre environnement, à savoir les lecteurs, les auteurs, les bibliothécaires, le monde en général...

C'est l'occasion aussi de rappeler quelques règles de bonnes pratiques dans le milieu scientifique.

Par exemple peut signer un article ? Il est malhonnête, par exemple d'ajouter un auteur qui n'aurait pas contribué au travail, car la présentation d'un travail scientifique doit être signée par les auteurs de ce travail et par les auteurs du travail seulement.
Bien sûr, on est encouragé à remercier quelqu'un qui nous aidé, mais cette personne n'a pas le droit de prendre la responsabilité d'un travail en signant un article scientifique si elle n'a pas participé vraiment au travail.

Nous décrivons aussi comment sont gérés les manuscrits, comment ils sont évalués par les pairs, ce qui peut se passer en cas de conflit entre des auteurs et des rapporteurs, quel est le rôle des éditeurs...

Bien sûr, il y a lieu d'être extrêmement clair sur les questions de copyright, car la loi de 1957 décrit bien que la propriété d'une œuvre appartient à celui qui l'a produite et elle règle des questions de d'attribution des droits d'exploitation de l'oeuvre en échange de droits d'auteurs, par exemple.
Pour les revues scientifiques, surtout en ce moment, la question est compliquée car avec mes modèles dit en libre accès, c'est-à-dire pour lesquels les lecteurs ne payent pas, les auteurs en viennent à payer... et cela doit être discuté.

En l'occurrence, dans les Notes académiques, il y a pas de conflit d'intérêt de ce point de vue, car les auteurs ne payent pas non plus.

Dans notre déclaration éthique, il y a lieu aussi de discuter des questions d'éthique de l'expérimentation scientifique, par exemple quand il y a des volontaires humains qui participent à une étude et que leurs données personnelles sont utilisées pour un travail scientifique.

Et ainsi de suite : il y a toute une série de confédération qu'il faut absolument discuter clairement même si une instance internationale - le Comittee of Publication Ethics, ou COPE- donne des indications largement reconnues par la communauté.

A minima, notre document d'éthique se réfère aux documents du COPE, et nous déclarons  que nous adhérons à ses recommandations.

Et c'est ainsi, avec un contrat clair entre la revue et le monde où elle s'inscrit,   que nous pourrons travailler dans un cadre  honnête et juste.

samedi 7 décembre 2019

A propos du travail des rapporteurs


J'y reviens  : à propos de rapporteurs dans les revues scientifiques, je crois que  tout tient dans une idée, à savoir que la question de l'évaluation est surtout d'avoir un peu de grandeur, et de chercher principalement à aider les auteurs à améliorer les articles qu'ils soumettent, et, de de fait, leur travail.
La question n'est pas de rejeter de mauvais manuscrits, mais de permettre à des collègues d'améliorer leurs textes jusqu'à ce qu'ils soient publiables. Elle n'est pas de faire état de son propre savoir, mais d'aider nos amis (anonymes). Elle n'est pas de censurer, mais d'encourager.
Inversement, les rapporteurs doivent être vigilants, car ils ont une lourde responsabilité : ils doivent éviter aux publications de publier ce qui l'a déjà été. Ils doivent être vigilants sur la concision du langage. Il doivent s'assurer chaque idée est proprement justifiée, soit par une bonne publication, soit par un résultat expérimental solide. Ils doivent veiller vigilant à la rigueur de la description des matériels et des méthodes, au point que les expériences doivent pouvoir être reproduites. Ils doivent aider les auteurs à apprendre à rédiger des publications scientifiques, le cas échéant. 
Aujourd'hui, capté sur Twitter des engagements qu'un scientifique a pris, à propos du travail de rapporteur. J'amende en traduisant :

1. Rapporteur, j'écrirai mes rapports de façon aidante, bienveillante, respectueuse. Même si le manuscrit contient des fautes élémentaires, je ne ferai pas de commentaires brusques, excédés ou condescendants.

2. Mon objectif sera d'aider les auteurs à améliorer leur manuscrit, et non pas à critiquer sans indiquer de piste d'amélioration.

3. Quand je considérerai les interprétations, mon objectif ne sera pas d'imposer les miennes, mais d'examiner comment celles des auteurs sont étayées.

4. Je ne chercherai pas à orienter les interprétations dans le sens que je souhaite, et je considérerai le texte soumis, rien que le texte soumis.

5. J'accepterai toujours de faire l'analyse des manuscrits que l'on me soumet si je suis un expert du sujet.

6. Je ferai mon analyse aussi rapidement que possible. Et si je n'ai pas le temps, j'indiquerai aux éditeurs un autre rapporteur.

lundi 24 juillet 2017

Intégrité et théorisation


Quelles sont les valeurs de la science ? L'objectif est partagé : chercher les mécanismes des phénomènes. Et, pour cela, aucune malhonnêteté n'est possible. Par exemple, inventer des données qui n'existent pas est idiot, parce que c'est un acte social et qui ne rapproche pas de l'objectif. Ou bien encore plagier : ce n'est pas ainsi que l'on se rapproche de l'objectif. Utiliser des méthodes inappropriées ou désuètes ? Là encore, ce n'est pas faire ce que l'on désire, donc c'est idiot. Bref, vu l'objectif, qui n'est pas social, ce n'est pas étonnant que la loyauté la plus grande soit de mise.

Loyauté ? Intégrité ?
Loyauté ? Fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l'honneur et de la probité.
Probité ? Droiture qui porte à respecter le bien d'autrui, à observer les droits et les devoirs de la justice.
Honneur ? Principe moral d'action qui porte une personne à avoir une conduite conforme (quant à la probité, à la vertu, au courage) à une norme sociale et qui lui permette de jouir de l'estime d'autrui et de garder le droit à sa dignité morale.
 Intégrité ?  Caractère, qualité d'une personne intègre, incorruptible, dont la conduite et les actes sont irréprochables.

Je propose de méditer ces quatre termes, en relation avec les sciences de la nature, mais voici comment le physicien américain Richard Feynman a décrit l'approche informelle de communication des principes de base des sciences en 1974, lors de son discours à l'Institut de technologie de Californie (Feynman, 1985, 311-312):

 "Il y a une idée que nous espérons tous que vous avez appris, lors des cours de science à l'école  -nous n'avons jamais explicitement dit ce que c'est, mais nous avons seulement espéré que vous la trouveriez à partir de tous les exemples de recherche scientifique... C'est une sorte d'intégrité scientifique, un principe de pensée scientifique qui correspond à une sorte d'honnêteté extrême - une sorte de fondation absolue. Par exemple, si vous faite une expérience, vous devez rapport tout ce que vous pensez qui peut la rendre invalide - et pas seulement ce que vous pensez qui va bien ; vous devez évoquer d'autres causes qui pourraient expliquer vos résultats différemment de la façon dont vous croyez devoir le faire ; et vous devez évoquer des choses que vous pensez que vous avez éliminé lors d'autres expérience, afin que personne ne puisse dire que vous les avez éliminées.
Il faut donner des détails qui pourraient faire douter de votre interprétation, si vous en avez. Vous devez vous efforcer d'expliquer tout ce qui pourrait être une cause d'erreur de votre part. Si vous faites une théorie, par exemple, et si vous la publiez, vous devez rassembler tous les faits qui vont à son encontre, à coté des faits qui la supportent. En résumé, l'idée est d'essayer de donner toutes les informations qui aideront les autres à évaluer votre contribution, et non pas seulement l'information qui pousse le jugement dans une seule direction".

mercredi 28 juin 2017

Pour une éthique de la presse

La presse s'érige souvent en donneuse de leçon : et j'enquête, et je dénonce... Mais se regarde-t-elle assez ? A-t-elle assez conscience de ses responsabilités ? Est-elle assez positive ? Le problème, c'est que la presse n'est pas "la" presse, mais des presses, avec des bons et des moins bons, avec des supports responsables, des supports militants, des supports crapuleux, des supports cyniques, des supports naïfs...


Pour autant, à l'heure où le monde commence à déclarer des intérêts, ne serait-il pas temps que la presse fasse de même ? Je fais la proposition sans trop d'illusions, bien sûr, mais la question de cette presse qui vend de la peur est lancinante, et il y aurait lieu de l'examiner collectivement. C'est un dossier pour le CSA et pour toutes les instances du même type.

samedi 12 novembre 2016

Faisons confiance !

Avant toute chose, il y a ce "conflit d'intérêt" qui me déplaît, car ce sont les humains qui ont des conflits, et pas les intérêts. Ce que l'on veut dire, c'est que les auteurs d'articles scientifiques doivent déclarer des activités qui pourraient modifier leur pensée, soit consciemment, soit inconsciemment.
On pense, par exemple, à un expert qui devrait statuer sur une réglementation sur le tabac... mais qui serait payé pour de la consultance auprès de l'industrie du tabac... mais les choses sont plus compliquées : un expert qui fume ne serait-il pas également enclin à être plus laxiste vis-à-vis de l'industrie du tabac ? Or on voit bien que l'on ne va pas imposer aux auteurs des articles de dire s'ils fument, s'ils boivent, s'ils aiment le chocolat, et quoi encore ?

D'autre part, la question est compliquée, parce que des experts qui ne connaissent pas le monde industriel ne sont pas des experts, puisqu'ils ne savent rien des réalités du monde. On pourrait dire qu'un expert qui n'a pas d'intérêt n'est pas un expert.

Enfin, il y a des cas -les cas les plus fréquents- où les experts sont très peu nombreux. Par exemple, je connais des cas où l'Agence du médicament a fait appel au seul expert d'un domaine... mais pas de chance, la belle soeur de cet expert travaillait dans l'industrie  : des règles idiotes ont conduit à réfuter l'expert... de sorte qu'il n'y avait plus personne pour connaître le dossier !

Bref, la question est compliquée, et je propose surtout d'avoir un peu de grandeur, au lieu de nous comporter comme des minables. On le sait, qu'il y a des malhonnêtes, mais il y a aussi tous les autres ! Et il est inutile de faire des lois contre les "méchants", alors que ces derniers mettent toute leur énergie pour échapper aux lois... et y arrivent ! Ces dites lois, les "bons" les respectent, et elles entravent le bon fonctionnement de nos sociétés. Mon vieil ami Pierre Potier disait que chaque fois que l'on introduisait un nouveau comité, il fallait en supprimer deux anciens, et je propose qu'il en soit de même pour les lois, sans quoi nous allons mourir ensevelis sous des lois si nombreuses que nous ne pourrons ni les connaître, ni les appliquer, a fortiori.


Bref, faut-il que les revues scientifiques imposent aux auteurs de déclarer leurs conflits d'intérêts ? Non, mais pourquoi pas leurs "intérêts", afin qu'il n'y ait pas d'intérêts cachés. C'est d'ailleurs ce que tout individu honnête devrait faire.

Enfin, et surtout, je récuse l'idée qu'un individu loyal, droit, ne puisse faire la part des choses en son âme et conscience, en parfaite loyauté.
Après tout, un boulanger qui a vendu un pain n'est pas redevable au client qui le lui a payé. De même pour un expert : s'il a travaillé un jour pour l'industrie, il n'est pas nécessairement « vendu », pour la même raison.

Faisons confiance : un individu droit qui sentirait qu'il y a un problème à publier ne publierait pas.

mardi 6 novembre 2012

Un message passionnant

Il y a quelques jours, je recevais un message passionnant. Je l'ai divisé en "petites bouchées" que j'ai introduites dans la colonne de gauche d'un tableau, et j'ai mis mes réponses dans la colonne de droite.
Puis, avant d'envoyer ce tableau à mon correspondant (que je ne connaissais pas), j'ai ajouté une réponse (en fin de billet).


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 Hier, j'ai reçu un courriel si passionnant que je n'ai pas perdu une seconde : une réponse détaillée s'imposait. 
Mon correspondant (que je ne connais pas) a accepté que je publie son texte, qui figure dans la colonne de gauche. Ma réponse est dans la colonne de droite. Et, comme en cuisine, on se sépare difficilement des amis (et ce n'est pas une rhétorique convenue), j'ai ajouté un petit message, qui donne des indications supplémentaires, qui auraient trouvé leur place dans la réponse. Il y a de la redondance, une perte de structure, mais tant pis : le formalisme est mortifère, comme l'observait Nietzsche. 
Et l'art, au contraire, est plein de vie... tout comme la science, qu'on ne confondra pas avec ses applications. 
Ici, il n'est donc en aucune façon question de gastronomie moléculaire (de la science), mais seulement de cuisine note à note

J'ai découvert vos travaux en 2001, alors que par provocation et curiosité je proposais en sujet de TIPE pour les concours d'entrée aux grandes écoles, sur le thème "Composition et décomposition" le sujet de la sauce salade.
Curiosité : merveilleux.
Provocation : j'en connais qui ont du mal à s'empêcher d'en faire... mais pour ce qui me concerne, la cuisine note à note n'en est pas.
Ce fut une année enrichie par la découverte de l'extraordinaire complexité des émulsions, par de franches rigolades en laboratoire avec simplement des ingrédients de la cuisine de tous les jours, mais également par l'excellent sujet des Mines 2000 sur le soufflé dont vous étiez si mes souvenirs sont bons co-auteur.
Oui, il y a eu une épreuve de physique, au Concours des Mines, consacrée aux transferts thermiques dans les soufflés. Je n'y étais pour rien... d'autant que la question, intéressante en elle-même, n'avait pas de pertinence culinaire. Personnellement, j'aurais fait calculer autre chose, mais peu importe : je remercie les collègues auteurs de ce sujet d'avoir popularisé la question.
Avance rapide à cette année ou un ami aussi mordu de cuisine que moi me parle de votre conférence sur la cuisine note à note publiée par AgroParisTech sur DailyMotion.
Je ne crois pas qu'il y ait eu une « conférence », mais il y a eu des Cours de gastronomie moléculaire consacrés à la cuisine note à note en 2012 : http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/weblog/706a3/Cours_de_Gastronomie_Moleculaire_2012.html
Et me voila immédiatement malgré moi en train de vouloir brandir "Soylent Green" (Soleil Vert) vis à vis de vos propos comme d'autres ont pu par le passé brandir "Brave new world" vis à vis du clonage humain.
Je n'ai pas vu Soleil Vert, mais j'ai compris qu'il était question de « nourriture de synthèse » (produite à partir de cadavres humains) produite par une multinationale Soylent, et de résistance. La « nourriture naturelle », dans cette histoire, est réservée aux nantis.
Oui, on m'a signalé plusieurs fois ce film... mais la proposition de la cuisine note à note n'a pas vocation d'aboutir à cette chose terrible !
Si vous me lisez bien, je propose d'abord de penser que la méthode la plus efficace de produire des nutriments est de cultiver des végétaux : d'une part, l'énergie solaire, l'humidité de l'atmosphère, le CO2, les sols... sont disponibles ; d'autre part, il a fallu des centaines de chimistes-ans pour synthétiser rien que la vitamine B12 !
C'est pourquoi je préconise fractionnement et craquage des produits végétaux : n'oublions pas le « magasin du bon dieu » qu'évoquait mon défunt ami Pierre Potier.
D'autre part, dans le livre La cuisine note à note, j'explique que le projet politique de cette cuisine est d'enrichir les agriculteurs.
En revanche, je discute aussi les mots « naturels » et « de synthèse », ou « artificiels ».
J'invite tous ceux qui ne l'ont pas fait à lire « De la nature », par John Stuart Mills... par ces temps de sentiments pro-nature souvent insuffisamment raisonnés.
Suis-je donc bien reactionnaire, me dis-je en mon fors intérieur.
Une réaction à la cuisine note à note ? Si l'on oublie la question de Soleil vert, et le fantasme qui est né de ce film, il demeure que j'ai été moi-même hésitant à penser l'idée. Mais mon livre explique que la cuisine note à note est une « évidence a posteriori », concept amusant, quand on y pense !
En vérité, je dois l'avouer, si cette conférence m'ulcère de prime abord, l'individu de pure raison qui cohabite tant bien que mal avec le concupiscent ne peut que gamberger tout azimut sur la portée et l'intelligence de vos propos.
Oui, nous tenons « viscéralement » à nos coqs au vin, poulets rôtis, choucroute...
Et c'est sans doute du conditionnement d'enfance : pour des raisons biologiques profondes, nous ne mangeons que ce que nous connaissons (néophobie alimentaire).
Et oui, je souhaite surtout susciter des réflexions : c'est la raison pour laquelle la Séance publique de l'Académie d'agriculture de France, le 19 décembre, sera une séance de questionnement !
Car oui, j'ose souvent défendre des propos proches du malthusianisme, souvent plus par envie de susciter la reflexion que par réelle conviction, et peut être ai-je décelé (à tort ?) une démarche similaire dans la part de votre conférence qui traite de la conservation de l'énergie et de l'entretien de notre environnement.
Je vous rejoins : avons-nous d'une démographie galopante, un peu bestiale, ou devons-nous apprendre la raison nataliste ?
Pour ce qui concerne l'énergie, je n'ai pas d'états d'âme, parce que je serai sans doute mort en 2050, quand le pétrole sera épuisé. Mais une crise s'annonce.
Pour l'environnement, la sensibilisation n'est plus à faire !
J'admire dans votre discours également le pragmatisme stratégique, fondé sur une expérience historique probante, et dont vous avez su faire l'eclatante démonstration de réussite à travers la gastronomie moléculaire.
Comptez sur moi : j'ai 365 jours par an, et 24 heures par jour. L'histoire de la cuisine note à note commence seulement !
Je me prends à rêver du jour où votre serviteur, bedonnant car incapable de maintenir son poids même en mangeant de la soupe et du jambon, cuisinant en fuyant la graisse (sauf quand il faut faire plaisir, auquel cas tous les moyens sont bons), pourra via un pianocktail se composer un repas savoureux, sain et équilibré. De la haute diététique gastronomique sur mesure, n'est-ce pas un rêve ?
Le pianocktail existe, mais je crois que la question est « un repas savoureux, sain, équilibré ».
A ce jour, il semble que la seule diététique qui tienne soit de manger de tout en quantités modérées, et en faisant de l'exercice.
Ce qui est passionnant, notamment, dans la cuisine note à note, c'est qu'elle pose des questions nutritionnelles auxquelles on ne sait pas répondre. Comment se nourrir note à note au quotidien ? Voilà la question posée à nos nutritionnistes et diététiciens. A noter qu'elle s'apparente à « comment nourrir des hommes et des femmes qui iraient faire des voyages au long cours dans l'espace » (à noter que je ne suis pas certain de l'utilité de tels voyages... mais si cela amuse certains).
Quant à la haute cuisine note à note, c'est ce qui se fera en premier, puisque la stratégie de développement de cette cuisine vise à l'introduire d'abord chez les chefs étoilés.
J'ai un vertige en imaginant le nombre de possibilités culinaires envisageables avec ce genre de techniques.
Oui, c'est infini. Et c'est donc merveilleux, car il va falloir trouver des critères de choix, autre que la paresseuse stratégie qui consiste à faire ce que l'on a toujours fait (steak ou poulet grillé, pâtes ou frites...)
Et puis vient la première question profondément humaine. Ai-je envie ?
En tant que gourmand, je réponds « oui » sans aucune hésitation.
En tant que citoyen qui voit les 45 % de gaspillage alimentaire, entre le champ et l'assiette, je réponds également que transporter « de l'eau qui pourrit », c'est honteux... de sorte qu'il faut fractionner à la ferme, et ne transporter que des fractions dont les cuisiniers (domestiques : ce sont surtout eux que je vise, disons que j'espère) feront une « cuisine note à note pratique », à défaut d'être une « cuisine note à note pure » (n'utilisant que des composés)
La cuisine est envie pour moi. L'imagination me vient lorsque j'ai un beau produit sous les yeux, sous la main, sur les papilles.
Cette réaction résulte d'une méconnaissance des composés et des fractions proposés.
Je me souviens de mon ami Pierre Gagnaire, à qui j'avais soumis de la poudre de betteraves (une jolie poudre d'un rose framboise, avec un goût superbe), qui en a fait un remarquable plat, présenté lors d'une conférence commune à l'Académie culinaire de France.
Et pour ce qui me concerne, j'adore les sotolons, 1-octène-3-ol, citral, etc.
Mais évidemment, le rêve ne peut s'élaborer que sur la connaissance !
Lorsque je passe devant les produits de cuisine moléculaire grand public dans leurs emballages aseptisés, je ne vois que l'ennui, pas le merveilleux champ de pommes de terres de Parmentier gardé contre les faméliques.
Merveilleux champ de pommes de terre ? Bof... J'ai peur qu'il y ait du fantasme !
Hier, par exemple, je pataugeais dans la boue d'un champ... de pommes de terre. Désolé, mais ça manquait de charme.
Quant aux pommes de terre, pourquoi pas de temps en temps, mais ce n'est pas ce qui me fait le plus rêver.
Ai-je envie que ma cuisine, avec ses épices, ses bons produits riches en textures et en saveurs, qui me font saliver, qui me font rêver, soit demain remplie de boites de plastique blanches et hermétiques ?
Les épices font saliver ? Amusant : nombre de composés note à note s'apparentent absolument à des épices.
Et puis, pourquoi n'aurions-nous pas de jolis flacons, au lieu de boites plastiques blanches et hermétiques ? Personne ne vous empêche de mettre de la gélatine dans un petit pot de grès alsacien, par exemple.
Je vous pose la question : est-ce le scientifique en vous qui s'émerveille de cette cuisine, ou bien est-ce le créateur du canard à la Brillat Savarin ?
Là, c'est très clair : de même qu'un amateur de musique veut découvrir des tas de nouvelles et belles musiques, de même qu'un amateur de peinture veut découvrir Zao Wu Ki, quand il en est resté à Rembrandt, moi, Gourmand, je veux absolument découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles consistances, de nouvelles saveurs, des piquants et des frais originaux, des couleurs jamais mangées.
Et vient ensuite la question de la richesse. Je vais prendre le parallèle avec d'autres arts, si vous le voulez bien. On sait aujourd'hui produire de la peinture avec des composés de pigmentation et de stabilisation, des claviers electroniques et logiciels qui imitent formidablement de vrais instruments.
Malgré tout... Retrouve-t-on le charme des pigments anciens, même si ceux ci peuvent passer avec le temps ou contenir des poisons comme l'arsenic ?
Retrouve-t-on le charme des pigments anciens ? Laissons aux anciens les pigments anciens, et essayons de voir les couleurs encore jamais vues.
Par exemple, en faïence, Théodore Deck avait « tiré le bleu du ciel ». Plus près de nous, Klein a réitéré, et il y a de quoi s'émerveiller. Pourquoi n'y aurait-il pas une suite à cette image ? Et puis, pourquoi avoir le charme de l'ancien et le merveilleux du nouveau SANS l'arsenic ? Pardonnez moi, mais je préfère une vie longue pleine d'art, que la même vie écourtée par les poisons, avec le seul art des siècles passés.
Une remarque : en matière d'art, le nouveau s'ajoute à l'ancien, et ne le remplace pas. Imaginez le calvaire d'écouter du Bach toute la journée, ou de regarder du Durer, et seulement du Durer
Peut-on reproduire sur un synthétiseur Yamaha la richesse du son d'une flute traversière en ébène du même fabriquant, née du sacrifice d'arbres de plus en plus rares ?
Je suis flutiste, précisément... et j'ai une flute Yamaha... laquelle a fait hurler les puristes il y a 30 ans : amusant, donc, que vous preniez cet exemple.
Oui, on peut reproduire sur un synthétiseur Yamaha, ou même sur n'importe quel ordinateur la richesse du son d'une flute en ébène (d'ailleurs, désolé de vous dire qu'une flute Yamaha, c'est quand même bien mieux que de l'ébène ! Et puis, abattre des essences rares ?
... Combien d'efforts et de composés pour arriver à la richesse gustative équivalente (sans pour autant imiter) d'un pata negra ou d'une tomate de petite ferme ?
En réalité, pas beaucoup d'efforts. D'abord, évacuons le fantasme de « pata negra », ou de tomate de petite ferme. Oui, il y a parfois des produits remarquables... mais parfois seulement !
D'ailleurs, nous avons eu un débat passionnant, à AgroParisTech, à propos des « beaux produits » (je crois que c'est filmé, en podcast). En gros, la conclusion, c'est qu'un beau produit est un produit adapté à l'usage culinaire que l'on veut en faire. Une viande à braiser ne vaut rien pour une grillade, mais s'impose largement devant le plus beau des filets quand il s'agit de braisage.
Ensuite, les acousticiens ont montré que, au delà de sept harmoniques, on ne les entend plus. Et nos sens sont bien imparfaits. D'ailleurs... le cinéma, malgré les images successives, ne paraît pas saccadé. Et ainsi de suite : les pixels ne gagnent rien à être trop petits.
Regardez les recettes servies par les chefs des Toques blanches le 20 septembre 2012, lors de la conférence de presse pour la sortie du livre La cuisine note à note. Ce n'est pas difficile... et c'était très intéressant. En tout cas, bien supérieur au buffet minable d'un très grand traiteur du 6e arrondissement.
Plus généralement, il y aura d'extraordinaires oeuvres note à note comme il y a eu d'extraordinaires mets classiques. J'ai confiance... dans les artistes, puisque c'est une question artistique !
Peut-on seulement ?
Peut-on ? Oui. L'histoire des techniques est pleine de questions, à propos du plus lourd que l'air, à propos des sous-marins, à propos du gaz à tous les étages, à propos de l'électricité dans les rues, à propos...
La vraie question, c'est Prométhée ! Et là, utilisez vous par exemple un ordinateur ? Avec quelle bonne confiance ? Et l'électricité ?
Décidément, je suis bien content d'apprendre un minimum de clairvoyance en préparant mon livre sur la mauvaise foi. Non que je vous en accuse personnellement, mais je NOUS en accuse tous. Le partage humain/animal qui fait de nous des êtres humains me semble être une des causes de la chose.
De tels aliments ne valent-ils pas qu'on s'empoisonne un peu pour un moment de merveille ?
Pas sûr. S'il y a d'autres merveilles, pourquoi voudrais je celles qui empoisonnent ? Carricaturons : imaginons un champignon toxique au goût délicieux, mais qui ne nous laisserait que 10 ans à vivre. Le prendriez vous ?
D'ailleurs, ce fut le cas avec les sels de plomb dont les Romains édulcoraient leurs vins. L'Empire est tombé.
Donc, non, l'alternative n'est pas alimentation triste et note à note contre merveilles empoisonnées. Depuis que mes enfants m'y ont poussé, je réponds toujours que je préfère les framboises quand on me donne le choix entre des fraises et des pommes.
Je vous rassure, la question est ouverte, je suis dans le flou moi même, mais votre éclairage là dessus m'intéresserait. D'autant que je ne suis sans doute pas le premier à aborder le sujet avec vous :)
Et moi, je suis de moins en moins dans le flou, mais il est vrai que je m'interroge, car je me souviens de cette phrase : « Comment serais je insensé à croire à mes propres certitudes ? ».
Oui, vous n'êtes pas le premier, mais je vous remercie très vivement de ce baptème du feu, car il est amical, contrairement à ce que j'attends de certains journalistes réacs, qui attaqueront bientôt avec virulence (notamment pour que je réponde, et qu'ils soient mis en lumière).
Tant d'autres questions :
- Ethique : je ne reviens pas sur le problème Soylent Green
Moi non plus. Pas de fantasme
- Pédagogique : vous parlez "d'imposer" le note à note pour les moins de 20 ans histoire de régler le problème sur cette génération,
Là, vous avez entièrement raison : j'ai tort de vouloir imposer la cuisine note à note. Disons que j'y crois tant, d'un point de vue citoyen, que j'ai une grande envie de voir la cuisine note à note se développer rapidement.
Mais je dis aussi, souvent, que mes efforts ne sont que peu utiles. J'attends la prochaine crise de l'énergie, car elle imposera la cuisine note à note, tout comme la crise de la vache folle a imposé les gélifiants autres que la gélatine, que je proposais depuis 1980 en vain, les cuisiniers me rétorquant que j'allais empoisonner tout le monde : en 15 jours, ils ont tourné leur veste !
Donc j'attends avec patience et dynamisme, je fais de la pédagogie, je prépare le terrain, je suscite des réflexions dans des cercles variés : agronomiques, culinaires, etc.
mais ce genre d'éducation "forcée" en gastronomie a déjà mené à une pseudo-catastrophe aujourd'hui, une dégénérescence du gout vers une culture fast food, loin du réel plaisir gustatif. N'est-ce pas risqué ?
Je me méfie des « dégénérescences du goût » : après la Seconde Guerre mondiale, quand le jazz est arrivé, les classiques (les « Anciens ») en disaient que ce n'était pas de la musique. Puis, dans les années 1980, les amateurs de jazz ont dit que le hard rock n'était pas de la musique... Et cette querelle des Anciens et des Modernes dure depuis toujours. Et les Modernes gagnent toujours, par disparition des Anciens.
Et puis, quelle dégénérescence du goût ? Et qui sommes nous pour critiquer le goût des autres ?
La catastrophe dont vous parlez me semble double : 1) pandémie d'obésité (due à l'inactivité, principalement) ; 2) le vrai scandale alimentaire actuel, ce sont les « marchands de peur », ceux qui font croire que des résidus de pesticides (à peine dosables) sont un complot de la grande industrie/capital, et j'en passe et des OGM.
C'est là l'immense scandale du XXI e siècle ! Avec un « ilchimisme » qui livre à leur griffes un public trop naïf (et je me mets dans le public, sans supériorité, sachant trop combien je suis ignorant dans les domaines techniques qui ne sont pas les miens)
- Ne suis-je pas prêt à vivre moins longtemps en m'empoisonnant à petit feu pour vivre plus intensément ? (peut-on rire de cette question ?)
Déjà discuté, je n'y reviens pas
- et j'en passe.
Dommage (franchement) : cela m'aurait donné la possibilité d'exposer des réponses.
Plus généralement, je déclare sur l'honneur que je n'ai aucun intérêt financier au développement de la cuisine note à note. Je n'y ai même pas d'intérêt d'égo, et je crois seulement pouvoir m'attendre à des ennuis. N'ai je pas déjà reçu des menaces de mort lorsque j'avais proposé de supprimer les notions fausses de « cuisson par concentration » et de « cuisson par expansion », il y a une vingtaine d'années ? Cette fois, cela risque d'être pire !
Est-ce que je me trompe en imaginant que vous n'agissez pas en moteur universel sur ce sujet ? Outre l'engouement de chefs à expérimenter vos propositions, j'imagine que vous avez tout un entourage intellectuel modérateur n'est-ce pas ? Gastronomes traditionnalistes, diététiciens, sociologues, psychologues, philosophes ?
Je n'ai personne, mais je m'active pour avoir beaucoup de monde. C'est notamment le but de la séance du 19 décembre 2012 à l'Académie d'agriculture de France. C'est notamment la raison pour laquelle j'ai publié mon manifeste+manuel : en espérant qu'un très vaste dialogue se créera. C'est notamment la raison pour laquelle j'ai fait le Cours 2012, podcasté de surcroît : il s'agissait de poser des questions. C'est le but de mes conférences actuelles : créer un débat collectif, qui fasse intervenir des compétences variées... mais il est vrai aussi que je ne crois pas que les questions soient vraiment difficiles, en général.
Vraiment j'aimerais connaitre la nature du groupe de réflexion sur ce sujet.
Il n'y en a pas de constitué, mais vous me donnez une idée !
Et savoir d'ailleurs s'il existe des espaces d'échange publics en réalité, pour suivre et participer à la reflexion dans la mesure de mes maigres moyens (que n'ai-je pas pris cette décision de suivre un cursus dans cette voie...)
Cette fois, oui : il y a mon blog, où chaque internaute peut répondre à mes provocations, et aussi un Forum Note à Note sur le site d'AgroParisTech.
Hélas, peu d'interventions à part les miennes, pour l'instant.
Dans l'immédiat, je pense que je vais prendre la position d'un curieux.
Cela ne m'étonne pas de vous, que je ne connais pas mais que je découvre en vous lisant.
Il y a matière à ce que je travaille a partir de composés, et pourquoi pas que je conçoive quelques plats à l'occasion.
N'hésitez pas à me donner vos recettes, que je publierai immédiatement, en vous les attribuant bien sûr.
N'oubliez pas que le glucose et le gras font toujours recette !
Que je goute aussi ce que d'autres plus talentueux ont fait (d'ailleurs, travaillant à deux pas du renaissance de la défense, savez vous s'ils ont mis des plats à la carte ?).
C'est fait depuis une semaine
Mais sur le propos global, le temps me le dira.
Oui.
Je vous remercie si vous avez pris le temps de lire ma diatribe jusque ici. Et je vous serai encore plus reconnaissant si vous prenez le temps de me répondre ne serait-ce que pour m'indiquer des publications ou des endroits où je pourrais trouver des réponses à ces nombreuses questions.
C'est moi qui vous remercie, à nouveau
Et pour des discussions :



Cher Monsieur
Voici ma réponse. Je suis désolé d'être si peu hésitant, parce que je me souviens encore quand j'ai pensé la cuisine note à note pour la première fois, et cela me faisait drôle, indépendamment de toute provocation, puisque c'était dans le silence de mon cabinet, comme on dit.
Et plus le temps passe, moins j'ai de doutes et d'hésitations.
Surtout, avec le temps, je vois de mieux en mieux l'incohérence de nos comportements alimentaires, souvent au nom de la "tradition". Mais, la tradition n'est-elle pas, aussi, l'esclavage, la circoncision des petits garçons et l'excision des petites filles, et tant d'autres comportements que nous devrions rapidement éradiquer ? A propos d'empoisonnement, serions-nous prêts à manger des pissala traditionnelles, avec jusqu'à 15 g de cinabre par kilo de sel et par kilo d'anchois ? serions-nous prêts à boire des vins édulcorés aux sels de plomb ? La carricature a cela de bien qu'elle montre mieux le principe des choses.

Très cordialement, avec des remerciements appuyés pour votre message.