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mardi 20 juin 2023

Rien n'a changé

 En ces temps de foire d'empoigne (en réalité, rien n'a changé : relisons Aristophane), je continue de m'interroger : pourquoi des individus intelligents (par définition, les êtres humains le sont : c'est mon parti pris) attaquent-ils la cuisine note à note ? 

 

Je crois avoir finalement avoir compris qu'ils ont peur non pas de cette cuisine elle-même, mais de ses conséquences : on mangerait de la chimie, ce serait la victoire des multinationales sur les petits producteurs, il y aurait des risques de contrefaçons, et ainsi de suite...

Je sais bien, pourtant, qu'il n'est pas utile de vouloir réfuter des craintes ou des a priori, mais je sais aussi que "ce que je dis trois fois est vrai" (Lewis Carroll), et que la répétition a essentiellement pour fonction la production d'un bruit que l'on finit par accepter. 

Evidemment, cela risque d'agacer certains de mes amis... mais je suis bien certain que ceux-là me pardonneront : s'ils sont mes amis... 

 

Restent les autres, qu'il faut exposer à des faits justes si l'on veut éviter qu'ils n'entendent que des sons de cloche fêlées (là, de l'ironie : je ne devrais pas). 

 

Bref, pour ceux qui craignent que le "terroir" (un mot à bien décoder) ne soit balayé par la cuisine note à note, je veux dire que ce n'est pas le cas  ! Prenons l'exemple de la fraction phénolique totale du jus de raisin : le produit obtenu par nanofiltration de jus de raisin d'un cépage Syrah de Faugère n'a rien à voir avec le produit obtenu à partir d'une Syrah de Pech Rouge  ou de Laurens. Et, si les terroirs existent (ils existent parfois, mais pas toujours : voir les travaux de l'INRA), alors ceux du bas de la pente et ceux de la pente seront également différents. Car le cépage se retrouve, d'un point de vue moléculaire (un mot pour éviter ce "chimique" qui fait peur, je ne comprends pas pourquoi) dans les "impuretés" : quand on analyse deux vins de Syrah de deux terroirs différents, la composition chimique (cette fois, je n'hésite pas, allez savoir pourquoi) est essentiellement identique, à des "impuretés" près, qui changent essentiellement le goût ! 

 

Bref, n'ayons pas peur : la cuisine note à note ne balayera pas les terroirs, et le fractionnement ou le craquage que l'on fera à la ferme conservera (si l'on travaille bien) l'intérêt d'une petite production. 

 

Argument suffisant ? Je sais que non, et c'est pourquoi j'y reviendrai... avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle : après tout, je n'ai rien à vendre, moi !

mercredi 3 mai 2023

La question de la couleur, pour la cuisine de synthèse

 Dans la série des questions relatives à la cuisine note à note, je propose aujourd'hui d'examiner les questions de couleur. 

 

Pour l'instant, avec la cuisine classique, le problème était assez simple : on prenait un ingrédient alimentaire qui avait une couleur, et l'on se limitait à essayer de conserver cette couleur, ou à la modifier de  façon un peu (très peu, en réalité) contrôlée. 

Il faut bien avouer  que la cuisine classique  n'a pas merveilleusement réussi, de ce point de vue, puisque  la question de conserver le beau vert des légumes vert reste toujours posée, sans véritable solution, que la couleur des betteraves et des choux rouges change  inéluctablement quand  on les cuit ou quand on varie l'acidité du milieu, que l'on ne contrôle pas les changements de couleur des fruits rouges, que les cornichons jaunissent dans leur bocal de vinaigre... 

Soyons honnêtes :  les compétences du monde alimentaire en matière de couleur ne sont pas épatantes. 

Pour preuve, cette demande qui est arrivée dans notre groupe de recherches il y a quelques années d'un très gros industriel de l'alimentaire pour étudier la couleur verte des légumes verts. Évidemment, on sait des choses, et la chimie a considérablement exploré les chlorophylles, les caroténoïdes, les composés phénoliques de la famille des anthocyanes, les bétalaïnes... 

 

Toutefois la question demeure : dans des environnements chimiques complexes, en présence d'acides, de métaux,  par exemple, ces composés réagissent quand ils sont chauffés, lors de la cuisson, et des réactions ont lieu, que l'on ne sait pas bloquer. 

Avec la cuisine note à note, le problème se pose différemment, parce que, si la cuisson sert à faire  apparaître des composés nouveaux, pourquoi ne pas utiliser ces composés nouveaux d'emblée, et éviter cette cuisson qui va changer la couleur des pigments initialement présents ? Ce type d'idées (je dis bien ce type d'idées et non pas cette idée, parce que je généralise immédiatement)  mérite d'être testé. Testé expérimentalement, théoriquement,  mais il y a un travail à faire. La question est donc posée : comment déterminerons-nous la couleur des de mets note à note ?

vendredi 25 février 2022

Comment nommer ce qui n'est pas un macaron ?

 Le 22 février 2022, nous avons exploré la cuisine note à note, avec une dizaine de chefs étoilés. 


Et, lors de nos travaux, nous avons préparé ce joli produit, mis au point par le cuisinier Julien Binz, d'Ammerschwihr : 



Cela faisait quelque temps que je nommais cela un "maracon"... mais le terme choquait... Et avec raison ! 


Car un macaron contient essentiellement de la poudre d'amandes, du blanc d'oeuf et du sucre. 


Alors que ce produit est fait d'eau, de protéines de blanc d'oeuf, de glucose.


Ce n'est donc pas un macaron, mais qu'est-ce ? 

 

Réponse : c'est manifestement une meringue fourrée. 


lundi 23 novembre 2020

Des indications pour le concours de cuisine note à note

 A propos de "suspensions" : la fondue ?

On m'interroge à propos du prochain concours international de cuisine note à note dont le thème est  : les suspensions.

Les suspensions ? Ce sont des dispersion colloïdales de particules solides dans un liquide, pour les suspensions liquides, et de particules solides dans un solide pour les suspensions solides.

Mais je m'aperçois que cette définition abstraite ne suffit pas puisque l'on m'interroge en me demandant par exemple si les fondues au fromage sont des suspensions.
Commençons donc par les fondues au fromage que l'on fait classiquement en chauffant du fromage dans du vin. Le gel laitier qu'est le fromage se désagrège et laisse partir dans le liquide des gouttelettes de matière grasse et, sans doute aussi, des micelles de caséine, de sorte que l'on obtient une émulsion, qui est donc une dispersion d'un liquide dans un autre, mais pas une suspension.

Des exemples de suspension, alors ?

Il y a d'abord les frappés aux fruits ("smoothies"), que l'on obtient en broyant un tissu végétal dans un liquide : le broyage désagrège le tissu végétal  macroscopiques en particules qui peuvent avoir des tailles variées, des gros morceaux jusqu'à des résidus de cellules. Car effectivement, les tissus végétaux sont des agrégats de sacs vivants, les cellules végétales en l'occurrence, et le broyage forme des morceaux plus ou moins petits qui vont du gros agrégats de nombreuses cellules jusqu'au morceau de paroi végétale brisée.
Il y a donc là des petits solides dispersées dans un liquide, et donc une suspension.
Très analogue est la purée de légumes, bien évidemment, à cela près que la phase aqueuse est réduite.

Une autre  : la crème anglaise, que l'on obtient en chauffant une solution de protéines, classiquement du jaune d' œuf avec du sucre et du lait.
Cette fois, le processus est inverse du précédent, à savoir que l'on part des molécules pour former des agrégats de plus en plus gros... jusqu'au grumeau, quand la crème anglaise est ratée. Mais en tout cas, pour une crème anglaise réussi, l'épaississement vient de la formation d'une suspension.

Pour le concours  de cuisine note à note, les deux processus, du macroscopique vers le moléculaire, ou du moléculaire vers le microscopique, sont utilisables bien évidemment.
On pourrait constituer un solide macroscopique, note à note, que l'on diviserait, ou, au contraire, dissoudre les molécules dans un liquide et provoquer l'agrégation.


Reste la question de la fondue.

Au fond, si on veut simplement faire une fondue, que l'on fasse une fondue, mais la probabilité de gagner le concours est réduite, car qu'a-t-on le fait plus que la cuisine traditionnelle ? En revanche, s'il s'agit d'abstraire et de généraliser, alors on voit un gel qui se dissocie et qui laisse partir dans la solution ses constituants, et là, oui, il y a une idée car nous sommes encore dans le mouvement descendant, du macroscopique au moléculaire, mais nous avons remplacé ici l'agitation thermique par la dissociation.
Un exemple ? Partons de grains d'amidon (des solides, de la fécule) que nous dispersons dans un gel de gélatine (aspic) ou de pectine (confiture). Puis mettons ce gel dans un liquide chaud : il fond, et libère les particules solides qu'il contenait.

Reste à donner du goût !

lundi 15 janvier 2018

La recette des gibbs

Ce soir, un correspondant m'interroge : comment faire un gibbs ?


La recette est montrée en vidéo sur http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html, mais elle est  toute simple.



Soit on le fait en "note à note", soit on le fait plus classique.
Commençons par la recette la plus classique :

- dans un saladier, un blanc d'oeuf
- on ajoute de l'huile en petit filet pendant que l'on fouette vigoureusement (à la main, au batteur)
- quand on a obtenu une émulsion blanche, épaisse comme une crème, on ajoute du sucre (mettons 50 à 100 grammes)
- puis on parfume à la vanille, à l'eau de fleur d'oranger, à ce que l'on veut
- on met à mi hauteur dans une jolie tasse
- puis on met à pleine puissance au four à micro-ondes pendant quelques dizaines de secondes seulement ; plus exactement, quand le volume augmente d'un tiers ou plus, on arrête aussitôt la cuisson.
C'est terminé : on sert chaud. Tous simple, non ?

Pour une recette de gibbs note à note :
- dans un saladier, une cuillerée à soupe rase de protéines susceptibles de coaguler à la chaleur (par exemple, de blanc d'oeuf)
- on ajoute deux ou trois cuillerées à soupe d'eau
- puis on ajoute l'huile en fouettant
- dans l'émulsion, on ajoute acide citrique, sucre, glucose, colorant, composé odorant
- on cuit
- on sert

Tout simple, non ? 




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 21 mai 2017

Ce matin, une étudiante qui prépare un exposé sur la cuisine note à note a des questions :

J'aimerais savoir si vous vous êtes lancé dans la recherche pour la cuisine par vocation ou par opportunité ou bien les deux ? Qui évalue vos recherches ? Comment les financez-vous (si cela n'est pas indiscret) ?

Allons y dans l'ordre :

1. J'aimerais savoir si vous vous êtes lancé dans la recherche pour la cuisine par vocation ou par opportunité ou bien les deux ?

 Pour cette question, j'ai répondu mille fois, et l'on trouvera des réponses sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses/questions-personnelles
 Cela dit, si j'ai répondu comment j'ai versé dans la "gastronomie moléculaire" (utilisons les bons termes), je n'ai pas répondu exactement à la question posée de la "vocation" ou de l'"opportunité".
C'est là quelque chose qui mérite un peu de réflexion, et un usage correct de mots.

La vocation, c'est un appel de Dieu, puis, par extension, l'inclination, le penchant impérieux qu'un individu ressent pour une profession, une activité ou un genre de vie.
Dans mon cas, il est exact que, dès l'âge de six ans, quand j'ai reçu ma boite de chimie, j'ai immédiatement été fasciné par les sciences de la nature, la chimie mais aussi la physique, et les mathématiques ; je ne voyais pas de frontières entre les trois, même si la "chimie" m'était plus chère, parce que je trouvais (et je trouve encore) fascinant que les phénomènes macroscopiques s'expliquent en termes microscopiques, invisibles. Plus tard, j'ai été fasciné que le monde "soit écrit en langage mathématique", comme l'a dit Galilée (avec toutes les précautions nécessaires pour écrire une telle phrase, mais c'est une autre histoire).
Bref, j'étais  passionné par les sciences de la nature... mais pas par la cuisine. Bien sûr, j'étais d'une gourmandise forcenée, au point que nous nous sommes enfermés pendant deux semaines pour ne faire que manger, à l'âge de 14 ans, avec des amis, et bien sûr, j'ai toujours cuisiner, mais :
- la partie technique de la cuisine n'est que technique, donc sans intérêt pour moi
- la partie artistique est artistique, donc en dehors de mes intérêts
- la partie sociale nécessite d'être mieux inséré dans le groupe que je ne le suis.

Bref, ce sont les sciences de la nature qui m'intéressent, et c'est par sérendipité que les sciences que je pratique ont un rapport avec la cuisine. D'ailleurs, à un niveau un peu fondamental, il n'y a pas de barrières. Par exemple, un aliment qui libère un composés sapide, c'est exactement le même type de phénomènes qu'un médicament qui libère un principe actif ou qu'un parfum dont s'évapore un composé odorant.
Et pour les équations, Fick ou Fourier, même forme, par exemple, pour prendre un exemple simple.

Opportunité ? Je trouve "caractère de ce qui est opportun" (opportun : qui vient à propos, qui convient à la situation du moment) ou encore "savoir d'instinct ce qu'il convient de faire dans telle situation".
Dans mon cas, l'épisode du soufflé au roquefort qui a été ma "nuit de Pascal", toutes proportions gardées évidemment, a été d'instinct. J'ai fait ce que je devais faire sans y réfléchir, mais aussi parce que mon apprentissage avait été tel que j'étais bien dans cette ligne scientifique. Il y a cette phrase "Il faut agir en Chrétien, et non en tant que Chrétien" ; dans mon cas, j'ai agi en scientifique, et non en tant que scientifique. Face à une incompréhension, j'ai été rationnel, et c'est ainsi que j'ai été tout naturellement conduit à explorer ce soufflé.
Le pas supplémentaire, qui consistait à me lancer dans la recherche des précisions culinaires, avait été préparé par les activités de laboratoires que j'avais depuis l'âge de six ans : ayant toujours expérimenté, il était naturel d'expérimenter.
Et je n'ai pas fait de "comm" : je faisais mes recherches tout seul, sans en parler à personne, mais cela s'est su, et c'est ainsi que j'ai été invité à faire des séminaires, puis que nous avons créé la gastronomie moléculaire avec mon vieil ami Nicholas Kurti, qui faisait de même à Oxford.
Il n'y avait dans tout cela pas de "calcul", de l'opportunité mais pas d'opportunisme, pas d'envie de "carrière", rien que l'intérêt passionné (ma marque de fabrique) pour mon activité, laquelle était quasi obligatoire.

Pardon de cette longue réponse très personnelle : le moi est haïssable !




2. Qui évalue vos recherches ? 
 Comme tout chercheur, mes recherches sont évaluées... d'abord par moi-même !
En effet, chaque soir, dans mon groupe de recherche, nous envoyons à tous les autres un email qui comporte un tableau :

Nature de la tâche /Tâches/Etat/Commentaire
Travail/                   /                   /
Communication/    /                   /
Administration/     /                   /
Ce qui a coincé et qu'on peut améliorer/            /              /
Nouvelles connaissances/        /                     /
Nouvelles compétences/         /                        /                /
Objectifs/             /                  /
Cadeaux/             /                  /
                        

Les petits esprits considèrent cela comme du flicage, mais ils ignorent que nous le faisons d'abord pour nous-mêmes, que des "cadeaux à soi même et aux autres" sont d'abord à soi-même : c'est l'occasion de prendre du recul, d'évaluer le travail de la journée, afin d'avoir de la traçabilité, d'augmenter la qualité, d'avoir une évaluation en vue de perfectionnements ultérieurs.              

Ce n'est pas tout : le vendredi, je fais un bilan de la semaine, puis tous les trois mois un bilan du trimestre, et, enfin, pendant l'été, je prends quelques jours pour savoir comment orienter l'année suivante.

Cela, c'est pour moi-même : le plus important, car je n'oublie jamais que je suis payé par le contribuable français, et que je lui dois une activité soutenue et intelligente, mais je n'oublie jamais non plus mon ambition, qui est celle de faire de belles découvertes.


Pour autant, l'institution organise aussi des évaluations. Par exemple, l'Inra évalue ses personnels régulièrement, et l'HCERES est l'instance nationale d'évaluation des chercheurs.
D'ailleurs, il faut dire que les chercheurs sont bien plus évalués qu'on ne le dit par ignorance, même jusqu'au niveau de la présidence (mais l'homme qui a dit cela a ipso facto perdu toute dignité)  : en 2011, par exemple, j'ai eu 7 évaluations dans l'année, à croire que l'on voulait m'empêcher de travailler, car il faut dire qu'une évaluation bien conduite prend beaucoup de temps. Je ne peux m'empêcher, à ces mot, d'inviter tous mes amis à lire cette merveilleuse petite nouvelle de Leo Szilard (The voice of Dolphins), à propos du danger de laisser les scientifiques travailler.

Mais la question est passionnante, parce qu'elle pose la question de l'évaluation : je maintiens qu'un évaluateur doit être quelqu'un qui interroge, et s'assure que son interlocuteur n'a pas laissé son activité au hasard. Cela doit être bienveillant, et conduire à des perfectionnements, souhaités des deux côtés.
Evidemment, je pense ainsi à des personnes évaluées actives, soucieuses de bien faire, en accord avec la lettre de mission qu'ils ont reçues. Parce que je suis ignorant de toutes les turpitudes auxquelles la paresse, la perversité, le goût de la domination (le "pouvoir"), etc. peuvent conduire. Détestons le noir poison de la malhonnêteté, et allons vite dans la chaude lumière de la droiture et de la bonté ! 

Pardon de cette longue réponse moralisatrice !



3. Comment les financez-vous (si cela n'est pas indiscret) ? 
Soyons clair. Puisque le travail de ma correspondante porte sur la cuisine note à note, il faut dire que  la promotion ou le développement de cette cuisine que j'ai inventée ne sont pas dans ma mission scientifique.
Pour ce qui me concerne, j'ai une vie scientifique et une vie "politique", engagée. La vie scientifique, c'est ma passion, comme dit précédemment : la recherche en gastronomie moléculaire. Je ne devrais faire que cela, et j'y arrive d'ailleurs assez bien.
Mais, à côté, je n'oublie pas que je suis un citoyen, et je crois qu'il est de mon devoir "politique" de promouvoir la cuisine note à note. Pour mille raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, d'autant que j'ai toujours dit que je ne réponds pas à la question "A votre avis, puisque je ne gagne pas d'argent avec la cuisine note à note, et que je ne gagne pas non plus d'une notoriété qui ne me servira à rien dans la tombe, pourquoi pensez vous que je prends de mon temps pour promouvoir la cuisine note à note ?".

Bref, j'ai besoin de financement pour ma recherche scientifique, puisque c'est mon activité, et je n'ai besoin de rien pour la cuisine note à note, puisque ce n'est pas  mon activité.

Pour la recherche scientifique, oui, il me faut des financements, et je tiens à dire que, agent de l'état, je n'ai rien à cacher, et il n'y a pas d'indiscrétion à poser la question : tout contribuable a le droit de savoir comment son argent est utilisé.
Voici :
- je reçois mon salaire de l'Inra
- l'Inra et AgroParisTech contribuent au fonctionnement du laboratoire (électricité, eau, chauffage, fluides...)
- des industriels payent parfois des étudiants ou des doctorants qui viennent apprendre auprès de moi, et ils contribuent en finançant des consommables
- parfois mes conférences dans l'industrie sont rétribuées par des dons de matériels
- parfois, des programmes nationaux ou internationaux apportent des compléments.

Mais il me faut ajouter que je refuse absolument de payer des étudiants en stage, car à ce rythme, viendra un jour où il faudra payer pour faire des cours ! Et la loi idiote qui a été édicté me conduit à refuser les étudiants pour des stages de plus de deux mois, ce que les étudiants regrettent (je ne dis pas que les étudiants ne doivent pas recevoir de bourse, mais je dis que ce n'est pas à moi, qui me charge de les aider à apprendre, à devoir, en plus, chercher leur financement. D'autre part, les thèses pour lesquelles je suis directeur de thèse sont toujours des thèses CIFRE, payées par l'industrie, donc, parce que je maintiens que des étudiants qui ne connaissent pas l'industrie sont handicapés quand ils cherchent ensuite du travail.
Mais j'ai fait de nombreux billets à ces divers propos : quand je vous disais que j'allais finir "père la morale".


Allons, il faut conclure, et toujours conclure sur une note positive. Prenons du recul sur ces questions. De quoi s'agissait-il ? D'une élève d'une école d'ingénieur qui s'intéresse à la cuisine note à note. C'est donc parfait, puisque cette cuisine va se développer, suscitant la création d'entreprises, de technique, de technologie, d'art...
C'est donc bien une application de la science nommée gastronomie moléculaire. Pas une application directe, mais une application "intellectuelle".

Bref, les sciences de la nature sont merveilleuses !





mardi 11 avril 2017

Ce coup-ci, c'est bien parti !

Car voici la deuxième annonce de la Société Iqemusu :



Iqemusu, la première start-up à proposer des notes
gustatives pures pour les chefs cuisiniers avant-gardistes,
ouvre son site en ligne: www.iqemusu.com .

La cuisine note à note est désormais accessible à tous
les professionnels de la cuisine. Iqemusu ouvre son site
internet et présente sa première gamme, composée
de 24 notes culinaires liées à l’odorat. Chaque cuisinier
peut désormais sublimer ses plats par des expériences olfactives variées. Saisissez un flacon et laissez vous porter par les effluves qui ouvrent les portes d’un monde à construire.

Rendez vous sur iqemusu.com pour accéder à notre
catalogue et ainsi pré-commander en ligne les toutes premières notes d’un univers culinaire affranchi de toutes barrières gustatives.

Toutes les précommandes passées seront expédiées le
24 avril.


Je rappelle que je ne touche pas en centime, dans cette affaire, mais que je me suis engagé à promouvoir toutes les activités "note à note".

samedi 7 mai 2016

Ce qu'est la cuisine note à note, et ce qu'elle n'est pas

Hier, un ami m'envoie un message me disant  "Je fais un superbe diner chez un de tes fans, adepte du note à note, et naturellement je pense à toi.

Merveilleux... mais quel est ce cuisinier qui ferait de la cuisine note à note sans que je le sache ?

La réponse contient : "extraction des saveurs individuelles d'une recette, puis assemblage, comme une composition à partir des notes. Exemple : extraction de petits pois incorporée ensuite à une cuisson de crème d'oignons. "


Evidemment, je suis très heureux que mes travaux  inspirent ce chef, qui semble faire très bien... mais ce n'est pas cela, la cuisine note à note.

Je rappelle donc ce que c'est : il s'agit de faire des plats à partir de composés purs, tels l'eau, la cellulose, les sucres, les acides aminés, les protéines, les lipides, etc.
Or, quand on fait une extraction d'un goût de petit pois, par exemple en les macérant dans l'huile, ou même en les distillant sous vide, on récupère un mélange de composés odorants ou sapides, et l'utilisation de ce mélange n'est pas assimilable à l'utilisation d'un composé pur.
Bien sûr, il y a la cuisine note à note "pure", où l'on utilise des composés purs, et la "cuisine note à note pratique", où l'on utilise des mélanges de quelques composés, mais il ne faut pas trop dériver, sans quoi l'idée "note à note" est perdue.

Je pressens que ce type de questions ne fait que commencer, et je me souviens d'un numéro de la revue Thuries Magazine, du temps de la cuisine moléculaire, qui demandait aux cuisiniers ce qu'ils pensaient qu'était la cuisine moléculaire. Il y avait même des chefs qui disaient que toute la cuisine était moléculaire, parce que les aliments étaient faits de molécules. Je veux bien que les chefs aient de l' "autorité"... mais ils auraient dû quand même se rapprocher de la définition : "la cuisine moléculaire, c'est la cuisine faite à l'aide d'ustensiles modernes, à savoir ceux qui n'étaient pas dans les cuisines de Paul Bocuse en 1976, tels les thermocirculateurs, siphons, azote liquide, extracteurs variés...".

Vous allez voir que, de même, la "cuisine note à note" va être interprétée, alors que sa définition est claire : "produire des aliments à partir de composés purs".

dimanche 21 octobre 2012

Et voici les artistes

Suite du message précédent, relatif au "diner note à note" qui a été créé hier à l'Ecole Le Cordon Bleu Paris : les chefs-enseignants qui ont travaillé sont :

 
Patrick Terrien,
Patrick Caals,
Philippe Clergue,
Frédéric Lesourd,
Patrick Lebouc,
Franck Poupard,
Bruno Stril
et Marc Vaca,
Jean-François Deguignet,
Xavier Cotte,
Nicolas Jordan,
Pascal Quéré,
et Jean-Jacques Tranchant


Merci à eux

Cuisine note à note, le 20 octobre 2012, à l'Ecole Le Cordon Bleu Paris

Le 20 octobre, nouveau diner note à note dans le cadre des enseignements des Hautes Etudes du Goût, à Paris :



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Menu Note à Note
Note by Note Menu

20 OCTOBRE 2012
20 OCTOBER 2012
LES AMUSES BOUCHES 
GOMME DE LÉGUME ET PAPYRUS DE BETTERAVE
Vegetable « gum » with beet papyrus

FANTAISIE FUMÉE À L'ASPERGE
Smoked asparagus fantasy

ROYALE DE VOLAILLE JAUNE ET ROUGE
Yellow and red chicken royale

Champagne Louis Roederer "Brut Premier"

LE DÎNER

INSTANTANÉ EN NOTE INFUSE
Instant infused note

CANNELLONI DE MANGUE-LANGOUSTINE, EFFERVESCENCE DE CARCASSE
Mango-langoustine cannelloni, shell froth

Alsace Gewurztraminer 2010 Albert Mann

VIANDE « SPRAY » À MANGER
Sp“ready” to m“eat” spray

Magnum Saint-Joseph 2009 Stéphane Ogier

BABYNOTE-À-MOUSSE
Mousse-note « babybel »

TARTE AUX FRAISES ET CITRON REVISITÉE
Revisited strawberry and lemon tart

Coteaux du Layon 2010 Patrick Baudouin



Et quelques images :




jeudi 12 avril 2012

Je me réjouis...

Le lundi 15 avril 2012, cocktail conférence à l'Institut Technique d'Hôtellerie du Québec, à Montréal : les chefs et les élèves ont travaillé, et produit des bouchées qui promettent d'être remarquables !

J'ai hâte d'en savoir le goût (mais vu les descriptions qu'ils m'ont données, je n'ai pas d'inquiétude ; surtout une immense impatience)!

Bravo de s'être ainsi lancé !

mercredi 18 novembre 2009

Cuisine "note à note" : les questions de nutrition

Pour être en bonne santé, il faut notamment que notre alimentation ne soit pas déficiente en composés indispensables : protéines, lipides, saccharides, vitamines, oligo-éléments...
La cuisine note à note satisfera-t-elle nos besoins vitaux?

Il est amusant de se poser cette question, alors que la cuisine classique ne l'a pas posée. Il est bien difficile de vivre de la cuisine des restaurants étoilés, tant les goûts sont puissants, et les menus déséquilibrés, souvent. En effet, cette cuisine est une cuisine d'exception... sauf exception, et elle n'est pas faite pour être une cuisine du quotidien. Or c'est la variété qui, seule, peut nous sauver, en nous donnant tout ce que nous devons consommer.

De même, la cuisine note à note, bien sûr, peut se préoccuper de nous apporter des composés intéressants dans des quantités appropriées, mais elle n'a peut-être pas l'ambition de nous fournir un régime équilibré. Tout comme la cuisine d'apparat, on peut imaginer qu'elle soit exceptionnelle, et que, de ce point de vue, elle n'ait pas à nous apporter tout ce dont nous avons besoin.

D'ailleurs, cette observation devrait rassurer les craintifs : cette cuisine note à note ne remplacera pas la cuisine classique, pas plus que la cuisine moléculaire ne remplacera la cuisine classique ; il s'agit simplement d'augmenter la variété des possibilités culinaires, d'ajouter... des notes au piano des cuisiniers!